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Nicolas Berdiaeff
 
Dialectique existentielle du divin et de l’humain par Nicolas Berdiaeff, Editions Arma Artis.
         Nicola Berdiaeff (1874-1948) est de retour. Il aura connu l’exil physique et géographique, l’exil intellectuel et même l’exil spirituel. Celui que l’on considérait dans les années 40 comme le prophète d’une « nouvelle époque », traduit dans le monde entier, devait connaître l’oubli.
         Ce n’est finalement que récemment qu’il revient au premier plan de l’intellectualité, pas encore de la spiritualité. Pourtant c’est bien là qu’il est indispensable.
         Dans ses notes introductives Olivier Clément trace en quelques pages le portrait de cette force lumineuse éprise de liberté.
         « Le « bourgeois » au sens métaphysique du mot – notion que Berdiaev emprunte à Léon Bloy – ne connaît que le mesurable, ce que l’on peut posséder, mécaniser, « se mettre sous la dent ». Il contribue ainsi, ce fut à l’origine une véritable catastrophe cosmique, à rendre opaque et mortifère la lumineuse création de Dieu, à l’ « objectiver » pour reprendre un terme cher à Berdiaev. Le monde vrai se révèle à nous dans le Christ, et l’Eglise profonde, mystère du ressuscité dans le Saint Esprit, constitue, édifie « la beauté du monde ». La liberté, qui fait la personne, est primordiale, elle implique le retrait de Dieu. Berdiaev dénonce les anthropomorphismes négatifs. Dieu, dit-il, n’a même pas la « puissance » d’un agent de police, son respect infini le fait entrer dans la vulnérabilité du véritable amour. Crucifié par « l’objectivation », Dieu, en Christ, par son Esprit Saint, libère notre liberté, nous rend notre vocation de « créateurs créés ». En Christ, Dieu se révèle visage humain pour que l’homme trouve dans l’Esprit son vrai visage. En Christ, Dieu se donne sans retour. Il attend maintenant la réponse de notre libre amour. L’acte religieux par excellence est donc l’acte créateur (c’est la réponse à Nietzsche) qui brise « l’objectivation » pour faire resplendir en nous et entre nous la lumière du Huitième Jour, du Jour sans déclin du Royaume. »
         Chez Berdiaev, de nombreuses influences se conjuguent, par résonance ou par dissonance, Marx, Kant, Chestov, Nietzsche, Ivanov, Dostoïevski, Hegel, Heidegger, Sartre et beaucoup d’autres. Cette conjugaison n’est jamais ignorante des temps présents, douloureux le plus souvent, même si Berdiaev est un esprit de la transcendance.
         La peur, la souffrance, le mal, la guerre, l’humanité, la spiritualité, la beauté, l’immortalité, le messianisme sont quelques-uns des thèmes que Nicolas Berdiaev introduit dans cette dialectique du divin et de l’humain. Il identifie la question de l’immortalité comme étant centrale et surtout de quelle manière elle peut se poser. Il observe aussi la pollution des croyances qui font que l’homme est en recherche d’une immortalité personnelle.
         « L’homme est un être qui se trouve devant la mort toute sa vie durant, et non seulement au moment suprême. L’homme livre toujours une double lutte : pour la vie et pour l’immortalité. La mort est un phénomène intérieur à la vie, il n’est pas l’au-delà de la vie ; c’est un phénomène bouleversant qui touche au transcendant. Une forte souffrance fait toujours surgir la question de la mort et de l’immortalité. Mais la même question surgit à chaque approfondissement de la vie. (…)
         Le besoin de l’immortalité est un des besoins les plus profonds de l’être humain. Mais les croyances à l’immortalité se ressentent aussi de la limitation de l’être humain, de ses mauvais instincts qui lui ont suggéré le tableau du paradis, et surtout celui de l’enfer. (…)
         L’homme est immortel, parce qu’il contient un principe divin. Mais ce n’est pas seulement le divin dans l’homme qui est immortel, c’est tout l’organisme de l’homme envahi par l’esprit. (…)
         Être absorbé uniquement par sa propre immortalité, de même que ne penser qu’à son propre salut, c’est faire preuve d’un égoïsme transcendant. L’idée d’une immortalité personnelle, détachée de l’universelle perspective eschatologique, est en opposition avec l’amour. Mais l’amour est la principale arme spirituelle dans la lutte contre le règne de la mort. (…)
         La vraie perspective de l’immortalité est une perspective à la fois humaine et divine, et non abstraitement humaine. Et c’est ainsi que jusque dans le problème de l’immortalité nous retrouvons la dialectique de l’humain et du divin. »
         La lecture de ce livre, son étude, est une source certaine de méditation, la « méditation pieuse » à laquelle invite l’auteur, elle donne le pressentiment d’un nouvel éon, d’une fin des temps qu’il faut comprendre comme internes et inscrits dans la verticalité de l’être.
         Ce livre est aussi une plongée dans les milieux intellectuels que traversa l’auteur à travers les nombreuses références qu’il introduit dont certaines, russes notamment, nous sont peu familières. Il y a beaucoup à prendre et à apprendre.
Editions Arma Artis, BP 03, 26160 La Bégude de Mazenc, France.
Tag(s) : #Philosophie
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