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Les Héritiers de la Franc-maçonnerie égyptienne de Memphis-Misraïm de Joseph Tsang Mang Kin, Editions AMMOI.

         Il n’est pas inutile de présenter l’auteur de cet essai courageux et précieux à la fois pour son apport historique et pour son souci de préserver le caractère initiatique de la Franc-maçonnerie égyptienne.

         Joseph Tsang Mang Kin est né en 1938 à Port Louis, dans l’Ile Maurice. Il est d’abord un homme de lettres, un poète, un auteur, un fin connaisseur de Malcom de Chazal. Il eut de multiples responsabilités sociales et politiques dont celle de Ministre des Arts et de la Culture. Il est aussi Franc-maçon égyptien depuis 1974. Détenteur des Arcana Arcanorum du Régime de Naples, il présida le Souverain Sanctuaire de l’Océan Indien.  A la fin de l’année 2002, avec cinq autres Patriarches Grands Conservateurs, devant l’ampleur de la crise des rites égyptiens en Europe, il fonda l’Ordre Maçonnique Traditionnel du Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm. Il en est encore le Grand Maître Général.

         D’une certaine manière, ce livre marque peut-être l’entrée des rites maçonniques égyptiens dans l’ère post-Robert Ambelain. Ces quinze dernières années, nous avons assisté en effet à l’éclatement du système mis en place par Robert Ambelain et développé par Gérard Kloppel, récemment disparu. Joseph Tsang Mang Kin nous offre le premier essai historique rendant compte des bouleversements récents que traversèrent les rites maçonniques égyptiens, principalement en Europe mais avec des conséquences partout où ces rites sont représentés.

         Joseph Tsang Mang Kin identifie « l’insight » des problèmes qui rongent les rites égyptiens, depuis le départ de Robert Ambelain, dans l’entre-deux-guerres, quand les Constitutions de MacBean établies en 1921 furent mal traduites de l’italien au français, laissant place à l’ambiguïté et au malentendu et favorisant le petit jeu toxique du triangle pouvoir-territoire-reproduction, jeu qui s’est cristallisé sombrement dans une affaire très franco-française avant de polluer presque tous les territoires maçonniques.

         Reprenant brièvement l’histoire maçonnique, il rappelle comment la Franc-maçonnerie traditionnelle hermétiste, née en Ecosse à la fin du XVIème siècle, va être repoussée dans les marges à partir de 1717 par une Franc-maçonnerie moderne surtout soucieuse de pouvoir politique et de colonialisme. Il synthétise ensuite l’histoire complexe des rites maçonniques égyptiens, notamment en Angleterre, Egypte, France et Italie, avant de détailler les récents développements.

         Joseph Tsang Mang Kin met en évidence le rôle destructeur du Grand Orient de France pour, d’abord, affaiblir les rites maçonniques égyptiens puis les accaparer, alors même qu’il est incompétent dans ce domaine, aussi bien sur le plan historique que juridique ou, surtout, initiatique, comme le montre la farce du Grand Ordre Egyptien mis en place par le Grand Orient de France. Le simple fait d’avoir choisi une échelle de grade en 33 degrés au lieu de l’échelle traditionnelle symbolise l’inanité de ce projet. Nombre de Frères égyptiens, souvent naïfs, parfois complices, furent piégés par le miroir aux alouettes mis en place avec intelligence par le Grand Orient de France. Nombre de ceux qui contribuèrent à cette supercherie eurent à le regretter, écartés dès qu’ils ne présentèrent plus d’utilité pour les desseins hégémoniques du Grand Orient. L’auteur démonte les mécanismes du processus établi par le G :. O :. de F :. pour s’approprier en les dénaturant les rites maçonniques égyptiens.  Il remarque en effet que dès 1998, le Conseil de l’Ordre annonçait que « sa déclaration de principe :

         Inclura en outre le refus des postes ad vitam, les grades secrets, les pratiques occultes, les liens d’influence avec des structures non maçonniques, et des obligations religieuses… »

         Par cette phrase, le Grand Orient de France vient donc de s’interdire le respect des principes, l’accès à la nature et la pratique des Arcana Arcanorum, c’est-à-dire des trois ou quatre degrés terminaux, selon les cas, de l’Echelle de Naples, qui constituent le rite de Misraïm proprement dit.

         Cependant, Joseph Tsang Mang Kin est également lucide sur les erreurs et les inconséquences des animateurs des rites maçonniques égyptiens :

         « Comme la freemasonry au Royaume Uni, la Franc-maçonnerie française semble devenue une administration officielle. Elle fait désormais partie de l’Establishment et possède sa Nomenklatura. On sait aussi que, derrière la façade, les Obédiences sont diversement portées vers la laïcité, la symbolique, l’ésotérique ou les affaires. En face et à la différence de cette maçonnerie française officielle, qui fait front commun, il y a une Maçonnerie égyptienne, désunie mais présente en rangs dispersés. Elle est constituée de groupes disparates qui se réclament tous de Memphis-Misraïm, possédant de vrais ou faux Arcanes, se disant tous légitimes, et animés des meilleurs intentions et de la même volonté d’honorer le Rite. On y trouve de tout, des cabbales et même des sectes avec leurs gourous. Ils ne se parlent pas ou ne se reconnaissent pas. Ils se dénoncent, s’excommunient. Une grande partie rêve de reconnaissance coûte que coûte et vit douloureusement sa mise au rancart qui, admettons-le, dans nombre de cas, est amplement justifiée. »

         Le tableau est sombre. Cependant Joseph Tsang Mang Kin demeure optimiste et esquisse quelques pistes pour sauver ce rite « gênant mais convoité » dont celle, intéressante, d’un Réseau International de la Maçonnerie Egyptienne, RIME, rassemblant conservateurs, chercheurs, femmes et hommes de bonne volonté, les forces vives du Rite.

         Il conclut en répondant par ces mots à la question Que faire ? :

         « Il n’y a rien à faire. Il y a tout à faire.

         Il y a le wei, le mouvement de notre vouloir posé sur le temps qui coule, délébile, immobile, le fini dans l’infini.

         Il y a le wu-wei, la non-action, spirale de la nécessité, toujours en expansion, inexorable, l’infini dans le fini.

         En portant la démence des uns ou habitant le silence des autres, le Rite suit son cours, illisible. Ou presque…

         Puisse chaque Conservateur entrevoir les Plans parfaits de la Sagesse ! »

         C’est bien de Sagesse dont à besoin la Franc-maçonnerie, égyptienne ou non.

         A lire impérativement.

 

Tag(s) : #Tradition
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