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A hauteur des nuages. Chroniques de ma montagne taoïste de Bernard Besret, Editions Albin Michel.

         C’est un très beau livre aux multiples visages, un témoignage élégant sur les paradoxes de la Chine d’aujourd’hui, une immersion progressive dans le rapport taoïste au monde, une aventure spirituelle originale à la fois traditionnelle et contemporaine.

         Bernard Besret fait partie de « ceux qui disent non », ces rebelles qui savent préserver la liberté de l’esprit face aux conforts et aux conformismes. Ce questeur inconditionnel qui fut moine cistercien, prieur de l’abbaye de Boquen, incarne l’alternative nomade. C’est finalement en Chine, dans la fondation inattendue d’une auberge taoïste à flanc de montagne sacrée, que sa queste s’épanouit et livre tous ses fruits.

         L’alternative nomade se caractérise par la succession des improbables, la surprise au cœur du quotidien. Elle exige une grande disponibilité à ce qui se présente. Le témoignage de Bernard Besret restitue à la présence sa dimension naturelle. Pas de forçage mais un non-agir qui permet de jouer avec le courant.

         Au passage, il fait tomber nombre d’idées préconçues sur le taoïsme, l’immortalité, les dieux et autres thèmes traditionnels souvent déformés.

         « Taoïsme, confucianisme et bouddhisme forment comme les trois côtés d’un triangle équilatéral. Plusieurs empereurs ont convoqué des sortes de concile pour les rapprocher et les unir dans un même enseignement : Sanjiao, yijiao, « Trois enseignements, un enseignement ». C’est ce que Zhu Ping, qui s’intéresse beaucoup à cet aspect de l’histoire chinoise appelle la tri-religion. On en trouve un témoignage étonnant pour des Occidentaux, sur une stèle, près du monastère de Zhongyue. Dans la partie supérieure de la stèle, Lao Zi est gravé de profil sur un côté de la pierre et le profil de Confucius sur l’autre côté de telle façon que les deux profils imbriqués l’un dans l’autre forment un visage de Bouddha ! On n’imagine guère chez nous un portrait de Moïse s’imbriquant dans un profil de Jésus pour présenter le visage de Mahomet… Plus bas sur la stèle, trois textes, l’un taoïste, le deuxième confucéen et le troisième bouddhiste, viennent sceller cette unité que personne ici n’a l’idée d’attaquer comme étant « syncrétiste ». »

         La dissolution des concepts et représentations pour un accès direct et immédiat au Réel, caractéristique du taoïsme, et présente en toutes les traditions, une fois écartés les oripeaux des croyances, apparaît comme un fil conducteur dans l’écrit à la fois profond et léger de Bernard Besret, davantage une calligraphie qu’un écrit, tant les chapitres se présentent comme les traits successifs nés sous des coups de pinceau alertes et précis, ne se révélant réellement en leur harmonie que par l’ultime trait.

         L’ouvrage s’achève par un commencement : Chronique d’outre-tombe. Recours au poétique pour dire l’indicible, à la fois récapitulation, dissolution, exaltation et libération.

         « Luminosité.

         Lumière.

         Deiwos, la lumière qui brille.

         Dies, la lumière du jour.

         Deus, la lumière de Dieu.

         Même étymomlogie.

         La lumière est ce qui exprime le mieux

         ce que je vis.

         Elle inonde tout.

         Elle transfigure tout.

         Elle purifie tout.

         Oui, vraiment,

         la mort comme le jour illumine ! »

         Mais le lecteur ne sera pas seulement happé par la profondeur, il découvrira aussi une Chine insoupçonnée, au quotidien, à travers les relations de l’auteur avec sa famille chinoise. Quelques repères historiques et géographiques mais là encore, non pas un survol, plutôt un « sous-vol ». Les gestes, les paroles, les hésitations et les certitudes du jour en disent davantage sur le kaléidoscope chinois que les analyses géostratégiques ou macro-économiques.

         A hauteur des nuages fait partie de ces livres qui deviennent des amis. Ils peuvent passer inaperçus dans la multitude mais on est très heureux de les connaître.

Editions Albin Michel, 22 rue Huyghens, 75014 Paris.

Tag(s) : #Eveil
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