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         Jean Rollin a tiré sa révérence le 15 décembre 2010 à l'âge de 72 ans. Personnage inclassable, créateur inattendu, auteur et cinéaste, il a réalisé plus d'une quarantaine de longs métrages. Jean Rollin fut un pionnier du cinéma de genre français. Dès 1968, il signe un film culte Le viol du vampire. Nous nous rappellerons aussi de La vampire nue (1970), Lèvres de sang (1975), Les raisins de la mort (1978), La nuit des traquées (1980), La morte vivante (1982), Les deux orphelines vampires (1997), La fiancée de Dracula (2002), La nuit des horloges (2009)… Marginalisé par la pseudo-intelligentsia parisienne, Jean Rollin est connu et reconnu dans le monde entier pour son art décalé. Il était un ami de la Maison des Surréalistes de Cordes sur Ciel et des Editions Rafael de Surtis qui ont publié plusieurs de ses textes. Aventurier, libertaire et anticonformiste, ce funambule laisse une oeuvre qui n’a pas fini de nous étonner.

Nous rappelons la parution l'année dernière de Moteur Coupez, mémoires d’un cinéaste singulier de Jean Rollin aux Editions Edite.

Depuis le scandale de son premier film, Le Viol du vampire jusqu’à son très attendu long métrage La nuit des horloges qui hantera les écrans en 2009, ce sont des dizaines de films, du X à l’épouvante, et de nombreux écrits, scénarios ou romans, mais aussi des tranches de vie où dansent la joie de vivre, la déraison, l’humour, l’amour, la provocation intelligente, le décalage qui ont forgé une légende du cinéma en même temps que la réputation sulfureuse de cet homme des marges.

         La lecture de ces mémoires intempestives rend heureux. Il est finalement étonnant et réconfortant que Jean Rollin ait réussi, malgré l’éphémère, les obstacles et la bêtise ambiante à tracer un chemin sinueux, plein de poésie et d’incertitudes, dans les champs aux sillons bien alignés du conformisme.

         Jean Rollin aime les femmes, le montre et les montre, ils les préfèrent nues, dans une célébration qui aime à se jouer de nous par des distorsions qui vont du kitsch à la métaphysique. Rites d’amour et de mort. Son cinéma pourrait être désigné par ces quelques mots s’il n’y avait, se surimposant, un rire tantôt tendre, tantôt sarcastique mais un rire qui ne juge pas.

         Outre la découverte des méandres d’une aventure cinématographique et d’une pensée qui, si elle peut nous apparaître décousue, n’en est pas moins orientée constamment vers la liberté, ce livre témoigne d’une époque à la fois proche et lointaine. Proche car elle s’inscrit dans le mouvement protéiforme initié dans les années 60 par tous ceux qui ont décidé de dire non. Eloignée car le carcan de préjugés qui retombent depuis deux années sur la France renvoie le propos de Jean Rollin dans les voiles de la nostalgie. Ce livre peut être lu comme une invitation à la transgression, invitation dont le parfum de scandale naît de la régression consumériste organisée qui veut tout réduire à l’état d’une marque. L’intérêt de Jean Rollin c’est son caractère inclassable. On pourrait dire qu’il est un genre à lui tout seul, mais non ! Il aime trop la métamorphose.

         Quoi qu’il en soit, les mémoires de Jean Rollin sont riches d’enseignement sur la vie, le cinéma, l’amitié, l’amour et les amours, le sexe… Sa mère, Denise Rollin, fut proche de deux hommes d’exception, Georges Bataille et Maurice Blanchot, deux êtres complexes, très différents mais tous les deux tendus vers ce qu’il peut y avoir derrière les apparences, le divin ou le grotesque. Une double influence qui ne peut conduire qu’à la folie ou la création, la folie et la création, mais certainement pas à la reconnaissance. Une fois mort peut-être et encore, à trop fréquenter les vampires, Jean Rollin pourrait revenir perturber les bien-pensants. Ce livre est aussi celui d’un combat presque quotidien pour s’exprimer, réaliser, créer dans des conditions parfois rocambolesques.

         Enfin, pour La nuit des horloges, Jean Rollin a su réunir des conditions acceptables de tournage. Ce film est donc le film à voir si vous ne voulez voir qu’un film de Jean Rollin et apprécier un cinéma inattendu, léger mais plein d’intelligence.

Tag(s) : #Avant-gardes
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