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Les Passagers de la Cathédrale de Valère Sataraselski. Editions Le Cherche Midi.
Valère Staraselski nous propose son Jardin d’Epicure où va qui veut penser, se découvrir, s’assumer dans sa complexité, se réaliser, se saisir du monde pour le rendre peut-être juste un peu plus accueillant.
Son jardin, sans limites, a pour centre une cathédrale, celle de Meaux, dominante, attirante mais qui se refuse, d’abord fermée. Une femme, quatre hommes, se croisent près de l’édifice. Les liens délicats de l’amitié, de l’amour, tissent alors le subtil manteau de la vie. Il s’agit du huis-clos du monde inscrit en cinq regards qui se cherchent, s’éloignent, se retrouvent, plongent dans le vide, se raccrochent aux aspérités des certitudes, mettent en évidence les absurdités et les beautés, les trahisons et les promesses du monde dans lequel nous vivons, ou souvent pataugeons.
Ces cinq porte-voix permettent à Valère Staraselki de déployer une vaste intelligence du monde, non en concepts dénués de toute incarnation mais en se saisissant de l’expérience, la sienne et celle de l’autre par empathie, comme matière à travailler pour en extraire les impuretés avant d’en faire de fiables pierres à bâtir. Nous ne nous rendons jamais assez compte combien le quotidien, qui souvent nous lasse, est une formidable école d’apprentissage, combien la banalité est porteuse d’une grande sagesse. C’est une question de regard, et d’intensité de regard.
« Autant se le dire, s’en convaincre, pensa-t-il, tout à coup, l’abandon est bien au fondement de la condition humaine, c’est-à-dire du bien comme du mal. Mieux vaut le savoir et assez tôt, le plus tôt possible.
Du reste, l’abandon n’a-t-il pas été intégré en tant que donnée centrale dans le socle civilisationnel du christianisme, cette religion de la renaissance ? A noter que ceux qui traduisent les derniers mots du Christ sur la Croix par « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » ne peuvent être confondus avec ceux-là qui traduisent par « Père, à quoi m’as-tu abandonné ? ». »
Nous retrouvons dans ce livre la bouleversante justesse d’Un homme inutile (Le Cherche Midi, 2011) et le maillage de la parole de l’Adieu aux rois (Le Cherche Midi, 2013). L’être humain est ici un « âtre humain » où se consument les illusions et les aspirations, les croyances et les désirs conditionnés, pour livrer par le feu un joyau de l’esprit. Rejeté ou accueilli, le phénomène religieux fait partie de notre histoire, de notre patrimoine. Il nous constitue autant qu’il nous conditionne, croyances, valeurs, critères, préjugés, illusions… En prendre conscience, c’est s’octroyer un surplus de liberté. Le sacré, le véritable sacré, n’est pas ce que nous font subir les religions du monde, mais ce qui en reste quand nous n’adhérons plus, ne suivons plus, ne nous laissons plus balloter et aliéner par les événements. Devenir Vivant.
La liberté, fragile, toujours en tension, exige de se libérer de l’état de victime et d’esclave autant que de l’état de bourreau et d’esclavagiste. La voie est étroite et sinueuse. Valère Staraselski brode une dentelle, sans trame ni chaîne par conséquent, à la fois tendre et cruelle dans laquelle le lecteur se laisse aisément emporter. Cependant, au fil des pages, sa vigilance est appelée et renforcée car c’est bien lui le sujet.
La littérature, la spiritualité, la lutte pour les droits civiques et les libertés, sont quelques-uns des composés du vaste panorama de la vie humaine qui s’offre à voir au lecteur attentif, panorama parsemé de taches d’encre noire, celles de la consommation effrénée, du capitalisme outrancier, de l’exclusion, des exactions ignobles de Leopold II, des camps de concentration ou d’extermination, du massacre de la planète, du sexisme… Rapport au vivant et rapport au cadavre habitent les paroles des acteurs du livre.
« Une image chassant l’autre, il repensa, ou plutôt il revit puis revécut, sa nuit dernière, durant laquelle il s’était réveillé dans son lit placard. Il n’avait pas osé bouger afin de ne pas déranger Cannelle, qui dormait lovée sur ses jambes. Aussi avait-il longuement regardé la cathédrale par la fenêtre en écoutant la nuit. Un des battants de la fenêtre étant resté ouvert, le clair de lune se projetait sur le plancher. On aurait dit un tableau. »
C’est bien, en définitive, la littérature et la poésie qui sauvent, qui fondent la fraternité.
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Voyage à Assise de Valère Staraselski. Bérénice éditions nouvelles.
https://www.les-editions-berenice.com/
A la demande de Témoignage Chrétien, Valère Staraseski se rend à Assise comme écrivain invité pour participer à l’assemblée de prières pour la paix dans le monde organisée à la demande du pape Jean-Paul II. Nous sommes le 24 janvier 2002. Deux cents personnalités, venues des quatre coins du monde, de confessions diverses, ont fait le chemin pour Assise. Valère Saraselski est athée et communiste. Cela semblera paradoxal à certains mais, très conscient de l’intrication de tout le vivant, il est particulièrement apte à traverser les formes religieuses ou traditionnelles pour en chercher la structure, une structure fluide de paix et de fraternité. Militer pour un monde plus harmonieux est une forme de prière, la prière par l’action, on ne peut plus initiatique.
Valère Staraselki publia un premier article sur cette longue journée dans Témoignage Chrétien puis le récit intégral de ce jour singulier en 2005. C’est ce texte qui est repris ici, vingt ans plus tard, dans un monde encore plus dégradé et dégradant.
Assise, c’est François, saint François. Déjà à Damiette en 1219, la rencontre de François avec le Sultan d’Egypte Malik Al Khamil avait exposé l’enjeu. Les Croisés n’avaient rien entendu et vite oublié la belle leçon de François et du Sultan. Cette rencontre entre deux esprits libres fait signe, toujours et encore. C’est le cas en cette journée de janvier 2002 où tous conversent, convergent, contribuent à une nouvelle alliance, celles des êtres humains avec eux-mêmes
Tous disent et l’urgence, et la nécessité… de cesser de trahir Dieu, les dieux, la nature, les êtres vivants… Valère Staraselski rend compte de paroles lucides, fortes, d’un chemin commun d’espérances.
« S’il est vrai qu’il y a du religieux ailleurs que dans les religions, remarque-t-il, il n’en est pas moins vrai que la paix dans le monde ne pourra être promue s’il n’y a pas de paix entre les religions et si celles-ci ne montrent pas aussi le chemin. La vérité n’est pas un absolu mais une recherche, une quête. »
Ce premier pas est loin d’être réalisé mais la volonté de reconnaissance de l’autre devient insistante.
Le texte d’Assise aurait pu être un prélude au dernier livre de Valère Staraselski, Les Passagers de la Cathédrale (Le Cherche Midi) ou peut-être un épilogue avec ces deux mots ajoutés : Et maintenant ?
Site de l’auteur : https://valerestaraselski.net/