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Léo Taxil, le prince des fumistes par Robert Rossi. Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.
Tous les Francs-maçons et les antimaçons ont entendu parler de « l’affaire » Léo Taxil. Peu en connaissent tous les ressorts. Ce livre est une opportunité de découvrir toutes les dimensions psychologiques, sociologiques, historiques, politiques des événements considérés.
L’ouvrage est tiré de la thèse de doctorat d’Histoire contemporaine soutenue à l’Université d’Aix-Marseille par l’auteur en 2014.
Gabriel Jogand-Pagès (1854-1907), Léo Taxil est tout d’abord un acteur majeur de la jeune presse satirique radicale marseillaise sous la République monarchiste de 1871 à 1879.
Son parcours, pour le moins ambivalent, le fait aisément passer d’un camp à un autre dans un contexte politique très polarisé entre républicains modérés et conservateurs. Robert Rossi ne se contente pas d’étudier les mystifications de Léo Taxil, il s’intéresse à la totalité de son parcours, témoignage d’une société agitée et pleine de contradictions.
« En quoi, s’interroge-t-il, ce polémiste marseillais est-il révélateur des problèmes de son temps, complètement investi dans les luttes féroces que se livrent républicains laïcs et catholiques conservateurs ? En quoi en outre son engagement dans le journalisme marseillais illustre-t-il le rôle des jeunes générations en politique ? Quel a été son rôle dans l’affirmation d’une presse fondée sur « le rire comme force capable de bousculer l’ordre établi » en ayant recours au canular et à la parodie ? Au-delà, comment aborder en tant qu’historien la biographie d’un homme qui aura pratiqué, tout au long de sa vie, la duperie, la supercherie et la mystification ? »
À travers l’analyse très fine des composantes politiques de l’époque et de leurs interactions, c’est aussi la fonction du rire des fantaisistes d’alors qui est interrogée. « Leur rire est de nature explosive : même anodin, il comporte une charge subversive. »
En 1879, Léo Taxil est républicain radical, libre penseur, anticlérical et Franc-maçon. En 1885, il est conservateur, croyant et antimaçon virulent : « la Franc-Maçonnerie est l’œuvre personnelle de Satan, sa religion, son culte, en même temps que sa milice parmi les hommes et son foyer de corruption sur la terre » écrit-il dans l’un de ses livres.
Il développe l’idée d’un culte satanique autour de l’affaire Diana Vaughan et crée une Ligue du Labarum antimaçonnique. Surfant sur le développement de la presse, ses prises de position ont beaucoup d’échos, suscitent maintes polémiques et aussi une forte résistance.
Robert Rossi nous fait tout d’abord découvrir dans le détail le parcours de ce « jeune dévoyé marseillais : « moule catholique, « marmite radicale », avant « l’expérience révolutionnaire marseillaise de 1870 ». La deuxième partie de l’ouvrage traite du journaliste pamphlétaire et des tentatives politiques très oscillantes de Léo Taxil. La troisième partie aborde le retour à l’anticléricalisme de 1879-1884, la libre pensée et son rapport à la Franc-maçonnerie. La quatrième partie présente et analyse la mystification elle-même (1885-1907) depuis sa conversion jusqu’à la révélation de la conférence du 19 avril 1897, en passant par l’invention du palladisme. Au cours de cette conférence, il livre nombre d’aveux, justifie son parcours chaotique par l’art de la fumisterie. Les réactions sont nombreuses dans les milieux catholiques, marseillais, maçonniques et antimaçonniques (souvent antisémites) occultistes, politiques et entraînent des conséquences judiciaires pour l’intéressé.
Si l’affaire Léo Taxil a eu un grand retentissement, l’antimaçonnisme s’est rapidement remis du choc pour un nouvel essor. Des éléments construits par Léo Taxil continuèrent de ressurgir, parfois à l’identique ou réinterprétés, pendant des décennies.
L’étude de la mystification ou des mystifications orchestrées par Léo taxil permet de mieux comprendre les subtilités de la relation entre mystificateur et mystifiés, un sujet très actuel. Si la personnalité de Léo Taxil continue de nous échapper en partie, son histoire nous apprend beaucoup sur l’époque, sur « les antagonismes profonds et du conflit impitoyable que se livrent pouvoirs civils et religieux dans un monde en totale mutation ». Mais, les mécanismes psychologiques qui ont permis à ces mystifications de prendre sont aussi vivaces aujourd’hui qu’hier.
Il y a beaucoup à apprendre de ce livre aussi exigeant que passionnant.