/image%2F0562708%2F20250427%2Fob_a073d1_couv-d-taillades.jpg)
Des Antients aux Moderns. Histoire de la Franc-maçonnerie par David Taillades. Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne.
Le livre débute avec cette citation d’Antoine Prost : L’historien n’épuise jamais ses documents, il peut toujours les réinterroger avec d’autres questions, ou les faire parler avec d’autres méthodes.
L’histoire n’étudie pas le réel mais les discours sur le réel, c’est pourquoi cette discipline se doit de se renouveler en permanence. C’est ce que fait pour nous David Taillades qui a sorti la recherche en histoire maçonnique de chemins méthodologiques toujours utiles mais dont nous ne saurions nous contenter : « l’historien, rappelle David Taillades, doit se débarrasser des idées préconçues, des lieux communs, des arguments d’autorité, des opinions et avis divers qui ont noirci les pages de l’historiographie maçonnique. Le long, laborieux et fastidieux travail de vérification des sources est indispensable, personne ne pouvant en faire l’économie ».
Après de nombreux travaux devenus indispensables, David Taillades revient sur cette question lancinante de la naissance de la Franc-maçonnerie spéculative pour laquelle nous retenons généralement, pour la fêter, la date, fausse, de 1717, « un arrangement avec l’histoire ».
David Taillades a relu, méthodiquement et scrupuleusement, les textes relatifs à l’opposition entre « Antients » et « Moderns ». Les documents, les commentaires sont contradictoires quant à cette « querelle » pour certains, ou ce « schisme » pour d’autres.
L’ouvrage, comme toujours chez cet auteur, est très étayé. Il est organisé selon trois périodes : avant l’émergence de la Grande Loges de Londres – la naissance de la maçonnerie obédientielle (1721-23) et les premières décennies qui suivirent puis l’apparition en 1751 de la Grande Loge des Antients et ses premiers pas.
La richesse de la documentation étudiée et présentée permet de mieux comprendre les raisons et la nature du conflit entre deux expressions maçonniques londoniennes qui a des conséquences encore aujourd’hui. Cependant, David Taillades met en évidence une situation plus complexe en identifiant quatre groupes de Francs-maçons se croisant, se côtoyant ou s’opposant.
Il revient à la séparation entre une ancienne et une moderne Franc-maçonnerie dans une seconde partie afin d’identifier les différences fondamentales entre deux systèmes. La documentation présentée remet en cause certaines croyances bien établies dans la recherche maçonnique.
David Taillades conclut : « Comme l’avait clairement mis en évidence H. Sadler il y a plus d’un siècle, à partir d’une étude rigoureuse de la documentation, il est indiscutable que la Grande Loge des Antients qui s’oppose frontalement, à partir de 1751, à la nouvelle franc-maçonnerie londonienne intolérante, n’est pas issue d’un schisme. Elle n’est pas, non plus, le seul produit de la combinaison de plusieurs facteurs sociaux, thèse soutenue par R. Berman. Ce que met en évidence l’auteur anglais, dans ses travaux, ce sont plutôt les conséquences et non la cause de ce qui se déroulait dans les Îles Britanniques, à savoir l’émergence d’une franc-maçonnerie modernisée destinée à l’aristocratie. L’ancienne franc-maçonnerie, de tradition artisanale, a ainsi été remodelée en une nouvelle structure destinée à rassembler des nobles, organisation dont les artisans et le petit peuple ont été exclus. Les faits documentés mettent finalement en évidence une forme de lutte des classes. »
Cet éclairage historique nécessaire n’est pas seulement intéressant du point de vue de l’histoire il devrait nous amener à nous interroger sur la nature et la réalité de l’initiation maçonnique, un champ où l’intention première est fondamentale.