/image%2F0562708%2F20250328%2Fob_24ed49_couv-pinocchio.jpg)
Pinocchio. Porte du mystère de Joël Gregogna. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
Nous devons déjà à Joël Gregogna un superbe voyage initiatique au côté de Corto Maltese. Cette fois, c’est Pinocchio qui nous guide.
Comme la plupart des contes pour enfants, Pinocchio, œuvre de Carlo Collodi, pseudonyme de Carlo Lorenzini (1826-1890), permet de nombreuses lectures et, en ce qui nous concerne ici, des lectures philosophiques et initiatiques. Il existe deux Pinocchio :
« Le Pinocchio de la première édition meurt pendu à la branche du chêne au chapitre XV. Devant les protestations des jeunes lecteurs, Collodi est amené à prolonger le récit, à lui donner une fin heureuse et même à faire en sorte que le pantin devienne un ragazzini per bene, un bon petit garçon. Cela explique que le fil directeur de l’ouvrage paraisse parfois distendu : ceux, notamment, qui y recherchent une histoire initiatique ou religieuse cohérente ont des difficultés à s’y retrouver. »
Mais l’initiation, serpentine par nature, se joue des incohérences de l’apparence, ce que démontre cet essai.
Joël Gregogna nous rafraîchit d’abord la mémoire avec un résumé bienvenu de Pinocchio avant de nous conduire dans le monde imaginaire du pantin de bois, à travers les lieux de vie et les personnages qui l’entourent, principalement bien entendu son créateur, Gepetto, mais aussi la Fée, bienveillante certes mais dont la fonction réelle interroge.
« Comme toutes les fées, suggère Joël Gregogna, celle de Pinocchio est l’instrument du Destin. Elle est peut-être même celui-ci. Elle est sans doute à l’origine du fil de vie de Pinocchio, qu’elle commence à dérouler à sa naissance, à la manière de la moire Clotho dans la Grèce antique. (…) On peut se demander jusqu’à quel point, ce n’est pas, en effet, la Fée qui prévoit et organise les différentes aventures dans lesquelles plonge le pantin. »
L’un des fils initiatiques suivis par Joël Gregogna est celui du rire, très présent dans l’ouvrage à travers différents types de rires, sincères, forcés, trompeurs… Derrière le rire, il y a la joie. Là encore, de quel type de joie s’agit-il, joie de faire, joie de posséder, ou simple joie d’être ? « Ce message du rire, note-t-il, tous les ésotérismes le mettent en évidence. »
Pinocchio ment. Nous le savons tous. Le mensonge est naturel à l’homme. Perfidie, mécanisme de défense, mensonge pieu… il se décline en mille nuances, souvent associées à la tentation :
« Chez notre pantin, la tentation permet d’exprimer des désirs inconscients. Elle suscite son libre arbitre. Sa résistance à la tentation apparaît comme une victoire de l’esprit ou de l’âme sur lui-même. L’un des fils conducteurs de l’ouvrage est consacré à la tentation. »
Joël Gregogna fait de nombreux liens entre le parcours de Pinocchio et la démarche maçonnique à travers les métaux, les quatre éléments, les nombres, la temporalité, par exemple, pour nous confronter finalement au sujet de l’illusion. Le processus initiatique commence par une prise de conscience du caractère illusoire de l’apparence, prise de conscience indispensable pour se mettre en chemin vers le réel.
« Pinocchio nous projette dans le conflit de l’apparence et de la réalité, écrit-il. Il nous oblige à distinguer entre les deux. Il nous dit que ce monde sensible, celui que nos sens perçoivent, ne constitue que l’ombre d’une réalité, univers des Idées, des Formes. Le théâtre de marionnettes est un endormissement de l’esprit ! »
Pour Joël Gregogna, Pinocchio obéit à la structure et aux appareils du conte initiatique. Il est à la fois un conte social toujours actuel, dénonçant les injustices et les inégalités et engage, d’une façon très originale, au parcours spirituel qui conduit à la liberté.
Nous portons tous, en nous-mêmes, quelque chose de Pinocchio.