/image%2F0562708%2F20250115%2Fob_5254af_couv-paul-farellier.jpg)
Le Pas de l’heure de Paul Farellier. Monotypes de Béatrice Cazaubon. Les Hommes sans Epaules Editions, 8 rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen.
C’est tout le jeu des polarités peu sereines de la vie qui est condensée dans la poésie de Paul Farellier. Un précipité d’incertitudes qui devrait nous angoisser et qui pourtant nous libère. L’épure du verbe de Paul Farellier est aussi épure de l’expérience humaine. Il rend ainsi l’essentiel accessible. Les mots, par « leur pointe aiguisée », retrouvent leur puissance.
Vivre n’a pas suffi
à te frayer le passage.
Et rien n’est visible encore
dans ta vitre embuée.
En travers de ta porte,
un dragon reste couché.
Au loin peut-être
et plus tard,
ton pas sur le sentier.
L’ouvrage, porté par les monotypes de Béatrice Cazaubon qui appellent à une méditation tranquille, sans objet et sans sujet, rassemble deux ensembles de poèmes, Chemin de buées puis Le pas de l’heure, un titre qui a lui seul évoque aussi bien la mort que l’éternité.
Quel dieu sans paupière
dans le regard des morts ?
Quel jamais dessillé ?
La main tremble, encore
d’avoir fermé ce bleu.
C’est l’intensité de l’instant présent, fusse-t-il un combat perdu d’avance, qui ouvre un intervalle enchanté, une porte lumineuse au cœur de l’obscur. Rien ne peut empêcher la beauté des mots de révéler l’innommable, le « vrai visage ». Nous sommes touchés par la lente irradiation des mots.
Quelle absence as-tu creusée
pour n’y trouver que la peur,
n’en exhumer que le cri ?
Va plus loin dans ton mur d’ombre,
franchis l’embrasure,
dépasse le rideau qu’entaillent les vents,
Reprends-leur la main de ta mémoire,
entends-la qui souffle sur le seuil
dans les mille voix de sa feuillure,
A deux battants de lumière
qui t’ouvre ses portes bleues
Dans l’œil et l’oubli futurs.
Pour l’ensemble de son œuvre, Paul Farellier a reçu en 2015 le Grand Prix de Poésie de la Société des gens de lettres couronnant son livre L’Entretien devant la nuit, Poèmes 1968-2013.