L’éveil pour les paresseux de Franck Terreaux, Editions L’Originel-Charles Antoni.
Paresseux, ou mieux, fainéant, celui qui fait néant. Art de ne rien faire. Echo au travail de Jean Klein, le propos de Franck Terreaux est direct : « Reste tranquille. ».
Il exprime dans ses dialogues simples, où la banalité tend vers le Réel, l’essentiel que toutes les traditions véhiculent dans un « hors la loi » qui libère ou plutôt qui fait jaillir l’évidence, la libération a toujours été là. Etat naturel.
Rien de nouveau par conséquent sauf ce ton, cette proximité avec le lecteur, plus auditeur que lecteur, cette complicité :
« - Dis-moi, à quoi penses-tu ?
- Oh ! à rien.
- Comment ça, à rien ?
- Je suis tout simplement là, heureux d’être.
- T’arrive-t-il de ne pas penser ?
- Cela m’arrive en effet.
- Et dans quelles circonstances ?
- Par exemple lorsqu’un travail a été parfaitement accompli ou qu’un désir a été pleinement satisfait, là il m’arrive de ne pas penser, je me retrouve tout simplement dans la complétude.
- Et lorsque le travail a été parfaitement accompli, le désir pleinement satisfait, qu’est-ce qui est là ?
- Comment dire, il n’y a que présence, mais cette présence n’est pas attentive à quelque chose, elle n’est pas dirigée vers quelque chose. C’est par définition l’instant de bonheur le plus simple, le plus parfait qui soit, le plus simple des bonheurs. Il n’y a rien que je souhaiterais changer, rien que je souhaiterais ajouter ou retrancher, malheureusement cela ne dure pas.
- Et pourquoi cela ?
- Parce que les projets reprennent leur cours, que de nouveaux désirs insatisfaits ne demandent qu’à être satisfaits.
- Parle-moi encore de cette complétude.
- Ce qui est difficile à expliquer, c’est le fait qu’elle soit là sans savoir qu’elle est là.
- Comment ça ?
- Je le répète, c’est très difficile à expliquer.
- Essaie tout de même.
- C’est si simple que je n’arrive pas à en parler, et dans le fond je n’ai pas très envie d’en parler.
- Et pourquoi ça ?
- Parce que celui qui t’en parlerait n’est pas du tout concerné.
- Je t’avoue que je n’y comprends rien.
- Encore une fois, c’est « le avant », le « juste avant ». Comment dire…
- Dis… dis quand même.
- C’est tout simplement le fait de ne pas se sentir obligé d’être heureux d’être heureux. Le fait de ne pas se sentir être obligé d’être malheureux d’être malheureux.
Ce bonheur, cette complétude, est totalement impersonnel. »
Ce qui n’exclut pas l’élan poétique et métaphysique sans lesquels point de fainéantise :
« Cette compréhension repose sur une constatation extrêmement simple :
Si j’essaie de ne pas être,
je me rends compte
qu’il est impossible de ne pas être.
Que même l’acte de méditer apparaît dans l’être,
et ne change rien au fait que l’ETRE,
lui, était déjà là, et sera toujours là,
sans le moindre effort.
Là où il n’y a que 1, le méditant lui, voit 2. Il se voit, lui, en tant que témoin, en tant qu’impression d’existence et en plus il voit l’ETRE. En méditant, il veut être l’ETRE, alors qu’il n’y a que l’ETRE, ou « SUIS », c’est-à-dire CE QUI EST. « Suis » l’être que (tu) EST, est déjà éveillé, il n’y a donc rien ni personne à éveiller. C’est pour cette raison que je dis que lorsque l’éveil dé-survient, il se passe moins de choses que s’il ne se passait rien. »
A la fin de l’ouvrage, le lecteur se rappellera que l’auteur est accordeur de piano. Il sait l’intervalle.
L’Originel-Charles Antoni, 25 rue Saulnier, F-75000 Paris.