MICHEL CAZENAVE, POETE
Si la rose
décroit,
je t’en aime
d’autant plus
Michel Cazenave
L’homme aux multiples talents, personnalité de la radio intelligente, philosophe, qui, notamment, fut comme Gilbert Durand et notre compagnon disparu Lima de Freitas, un grand contributeur au mouvement de la transdisciplinarité, spécialiste de Carl G. Jung, éditeur aux multiples facettes, est aussi poète et peut-être avant tout, poète.
Le poète est en effet un inventeur, un « faiseur », et Michel Cazenave invente et réinvente le monde, le réenchante par la magie poétique qui seule « fixe en l’instant la parole qui crée ».
Son œuvre poétique demeure discrète, sinon cachée. Féminine en son essence, elle ne. se donne qu’à celui qui longuement la recherche. Arma Artis, le principal éditeur de ses textes poétiques, n’est pas un éditeur tapageur, il est un éditeur élégant qui se veut écrin pour les textes qui tracent un chemin du cœur au cœur.
Les recueils de poésie de Michel Cazenave, et d’autres textes, comme ses nouvelles, publiés chez Arma Artis, constituent un rosaire à égrener avec lenteur :
L’avis poétique (1957-2006), sorte d’anthologie, rassemble des poèmes dont certains furent déjà publiés par Jean-Luc Maxence, excellent connaisseur, et « connaissant », de la poésie, aux Editions du Nouvel Athanor. Jean-Luc Maxence préface cette belle édition.
La Chute Vertigineuse, préfacé par Christian Jambet, publié en 2001.
L’Amour, la Vie, nouvelles, publié en 2004.
La Bouche ou l’Antre des Nymphes, suivi de Les Cheveux ou le Secret révélé, publié en 2004.
Eclats de la lumière (Fragments d’un passage accompli), publié en 2007.
Primavera viva ou La vie absolue, publié en 2007.
Primavera ou Le triomphe de l’amour, publié en 2007.
Méridiens de la Nuit, avec un liminaire d’Olivier Germain-Thomas, publié en 2008.
L’axe de la poésie de Michel Cazenave est, d’évidence, la femme, depuis la femme de chair et de souffle qu’on embrasse jusqu’à l’Eternel Féminin qui nous embrasse. L’une portant l’autre. L’autre révélant l’une. Cette femme, qui conduit le lecteur sur la vague des mots pour le rapprocher de lui-même n’est pas inaccessible. Elle est « tout contre » et son inaccessibilité passagère n’est que le reflet de notre incapacité à laisser venir en notre conscience notre propre réalité. Muse, certes, mais surtout initiatrice et émancipatrice. Elle, que l’homme aime à recouvrir de chaînes, n’a de cesse de nous libérer.
Tous les hommes ont côtoyé cette femme. Bien peu l’ont remarquée. Encore moins l’ont réellement rencontrée dans un face à face magique. Michel Cazenave nous invite à la célébrer avec lui.
Si l’œuvre est marquée par la perte de la femme aimée, elle assure aussi la permanence de celle-ci, en son essence et même sa résurrection en d’autres chairs en même temps que l’amant, en rébellion, traverse celle-ci pour, lui aussi, renaître à lui-même.
Sa poésie renoue avec la tradition hermétique qui fait de la poésie, non une belle expression des horizons illusoires mais une manifestation de la verticalité de l’être, un chemin vers la Gnose. On n’entre pas en poésie comme on entre en religion. On entre en poésie comme on sort de la religion, en secouant ses chaînes et la poussière qui voile le regard. Dès lors, le poète, lui-même son propre initiateur, apparaît bel et bien comme un passeur entre les mondes. Libre au lecteur de descendre dans l’un de ces mondes, le poète, lui, ne pose plus pied à terre. Au-delà, encore au-delà, toujours au-delà est sa destination. Il trouve la salutaire immobilité de l’esprit dans le mouvement éternel des mots.
L’homme, qui connaît le frémissement de la déesse, nous parle :
A la renverse du souffle
que distille sa bouche,
elle transpasse les lignes
que
nous nous sommes construites
comme autant
de murailles,
de barrières,
de prisons
qui enferment nos âmes :
La passante,
la passeuse
à la jupe qui danse
sur les fins illusoires !
Ou encore :
Et dans l’Une
la puissance,
l’éclair du
surgissement
de cet Un
dérobé
qui n’a jamais existé,
de ce Rien
solitaire
tout au fond de l’abîme
(qui se cache à la nuit
des gouffres
de lumière) –
Dans la
splendeur de l’Une,
le secret
de ce monde
qu’on ne peut
épuiser
(qui se donne
et qui s’offre
aux yeux du
récitant
qui contemple
en extase
le corps nu
de cette Une) –
et l’Unique
consent
(le reflet
de la lune
sur la source obscurcie :
l’en-
sorcellement de
sa voix) –
elle consent à
montrer
son cœur sauvage
et fou
d’où brille
le soleil
du Mystère absolu.
Editions Arma Artis, BP n°3, 26160 La Bégude de Mazenc.