/image%2F0562708%2F20250502%2Fob_4e5786_couv-ikkyu.jpg)
Ikkyū, un rebelle zen par Guyseika. Editions L’Originel-Charles Antoni, 16 bis rue d’Odessa, BP 37, 75014 Paris.
Ikkyū (1394-1481), poète et calligraphe, appartient à la tradition des « moines fous » que nous retrouvons dans toutes les traditions. Fils illégitime de l’empereur, Ikkyū fut envoyé dès l’âge de cinq ans dans un monastère par sa mère afin de le protéger. Il se lasse rapidement des jeux de pouvoir caractéristiques des institutions religieuses et rejoint le moine Kenō, lui-même en marge du système politico-religieux.
« Il n’a pas reçu de certificat d’éveil, nous explique Guyseika, et n’en donnera à personne, comme un écho au refus de Rinzai de recevoir celui de son maître Obaku. La Voie a-t-elle besoin de papier et de tampons pour se trouver en tout lieu, en tout instant, accessible à tous ? »
Avec Kenō, Ikkyū choisit la pauvreté, la simplicité, la sincérité, la compassion. Il fait aussi le choix de l’errance, de la solitude, se moque des normes sociales, et s’établit dans l’éveil. Guyseika retrace son parcours apparemment chaotique alors que c’est bien le monde qui l’entoure qui est malade.
« Car, écrit-il, derrière cette façade libertaire, refusant toute discrimination, son approche du zen reste extrêmement exigeante, impliquant une pratique assidue de la méditation, un dénuement total et l’étude approfondie des sutras. Tout au long de sa vie, il s’isolera régulièrement dans des cabanes branlantes pour y mener des retraites. Pour lui, le zen a plus sa place dans ces lieux anonymes, dans la rue, la vie de tous les jours, que dans un monastère. »
Amour des femmes, amour du vin, accompagnement des plus démunis, ses poèmes célèbrent la voie quotidienne, la banalité, les désirs naturels comme autant de portes vers l’éveil.
Guyseika, lui-même poète et moine zen, a choisi un texte puissant d’Ikkyū, Squelettes, pour illustrer l’approche inhabituelle du bouddhisme de ce moine qui laissa une empreinte importante dans la culture japonaise, traditionnelle comme populaire.
Il a également traduit pour le lecteur certains poèmes du maître comme celui-ci :
Farfelu et fou, je suis.
Tourbillonnant et provoquant l’orage,
Je vais et viens des marchands de saké
Aux maisons des plaisirs,
Qui, des moines pourvus du seul œil mental
Oserait venir me questionner ?
Tantôt ils désignent le sud ou le nord,
Tantôt l’est ou l’ouest…
S’il laissa de très nombreux poèmes comiques ou érotiques, sa poésie comme sa prose restent dans tous les cas une source profonde de réalisation, invitant à dépasser tous les formalismes.
Déjà connu et reconnu de son vivant, Ikkyū devint au siècle dernier un héros de dessin animé et Hisashi Sakagushi lui consacra un manga devenu célèbre qui accompagna l’auteur dans sa découverte du zen.
« On parle beaucoup de non-dualité dans le zen, écrit-il. Pas de séparation, pas de discrimination ! Ikkyū, homme de la Voie dans une période chaotique, exprimant l’image du « nuage et eau », semble s’être adapté aux circonstances, comme le flot d’une rivière s’écoulant naturellement entre les rochers. »
Ce précieux petit livre est illustré par l’auteur.