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Marie Renard, la femme modèle de Michèle Dassas. Editions Ramsay, 222, boulevard Pereira, 75017 Paris.

https://ramsay.fr/

Nous nous souvenons entre autres romans historiques de Michèle Dassas de celui consacré à Augustine Tuillerie, auteure jusqu’alors méconnue du célèbre Tour de France par deux enfants ou encore du très beau A la lumière de Renoir qui reçut en 2020 le Prix Charles Oulmont de la Fondation de France.

Michèle Dassas aime sortir de l’ombre des héroïnes oubliées après de longues enquêtes historiques destinées à cerner au mieux la personnalité de ses sujets et l’époque dans laquelle ils vécurent. C’est encore le cas avec cette Marie Renard, « le Phénix des modèles » dit-elle, égérie de dizaines de peintres renommés de la fin du XIXe siècle dont Mary Cassat, Edgar Degas, Berthe Morisot, Jacques-Emile Blanche, Paul-César Helleu, Louis Abéma, James Tissot et tant d’autres.

Au cœur de ce roman qui reconstitue pour nous la vie de Marie Renard, c’est la place du modèle dans l’art et dans la société, de la femme par conséquent, qui est questionné. Corps exposé, morcelé, déformé, objectifié en tous les cas, puis oublié, devenu simple composant d’une œuvre vue et revue, commentée encore et encore.

L’histoire commence seulement à s’intéresser aux modèles et à leur importance, nous l’avons récemment vu avec Caravage, et ce roman appelle à une prise de conscience de l’importance du modèle à la fois dans la peinture et dans la vie des artistes, en lui donnant réellement vie, non plus figure figée dans la toile mais bien être à part entière.

Avec Marie Renard, nous plongeons dans la vie artistique agitée d’une période courant de 1875 à 1914, non seulement pour découvrir un milieu tissé de relations complexes mais pour approcher les processus de création qui, nécessairement, sont modifiés par le modèle lui-même, ne serait-ce que par sa simple présence.

Marie Renard, modèle, fréquenta les peintres impressionnistes et les milieux intellectuels adjacents de l’époque. Intelligente, elle réussit à imposer le respect et à se construire à contre-courant une discrète mais véritable identité malgré ou grâce à quelques tableaux de nus qui suscitèrent le scandale comme le Rolla d’Henri Gervex ou La Femme au Masque du même peintre.

Michèle Dassas met en évidence le regard différent posé sur le corps féminin par les femmes peintres et les hommes, souvent peu courtois ni attentifs aux besoins de leurs modèles, pourtant souvent indispensables. Ce sont tous les conditionnements de l’époque, pas si différents de ceux à l’œuvre aujourd’hui, qui sont exposés à travers le quotidien des modèles et des artistes qui se prolonge à travers œuvres et censures dans la presse et les tribunaux. Un cocktail toxique de préjugés et d’hypocrisies.

C’est un beau portrait de femme qui nous est offert, que Marie Renard se trouve dans l’obscur atelier d’un peintre peu connu ou dans un salon où viennent briller les personnalités en vue du moment comme celui de Madeleine Lemaire.

La recherche élaborée de Michèle Dassas permet aussi de découvrir le travail des artistes, leurs doutes, leurs manies, leurs talents, leurs faiblesses et leurs forces, les dessous de la composition de certains tableaux et de pressentir certaines dimensions de l’art qui ne se mettent pas en mots.

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