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La vraie morale se moque de la morale. Eloge de la finesse de Bertrand Vergely. Guy Trédaniel éditeur, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
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Bertrand Vergely, philosophe, nous entraîne dans une réflexion profonde, mais aussi pragmatique, sur la morale et l’éthique, leurs places, respectives, dans nos vies et dans nos sociétés.
« La vraie morale se sent, se vit, et part du cœur en rayonnant dans l’intime » écrit-il. Pour certains d’entre nous, la morale est imposée de l’extérieur quand l’éthique naît de l’interne, ce qui n’est pas sans rapport avec le sujet qui introduit le livre : dévot ou libertin ?
« La morale n’est pas une éthique, ni l’éthique la morale, écrit Bertrand Vergely. L’éthique relevant de la manière d’être et la morale du principe, on enlève toute force au principe quand on l’appelle éthique. Un principe est absolu. Une manière d’être est personnelle. »
Il poursuit : « La morale peut devenir une éthique. Quand on décide d’être totalement moral en vivant pour la morale, c’est le cas. On est alors dans l’extraordinaire de la morale. C’est le cas de toutes les grandes figures morales. Elles ont marqué l’humanité et elles la marquent encore parce qu’elles n’ont pas parlé de morale. Elles ont été la morale même. Au cours de l’Antiquité, Socrate n'a pas parlé de la vertu. Il a été la vertu. »
Voilà qui donne l’orientation de l’ouvrage et tout son intérêt. La découverte des rapports entre morale et éthique est une voie de découverte de soi-même et aussi un vecteur de changement favorable dans la société, en général et en particulier. Elle peut nous aider à nous affranchir des oppositions dualistes crispées, y compris celle de l’externe et de l’interne. D’où cet « éloge de la finesse » qui, disons-le, est bienvenu dans ces temps singulièrement grossiers.
Cette finesse n’est pas donnée, elle se conquiert. « On est moral, éloquent et philosophe quand on vit avec son cœur, non quand on se contente d’obéir aux règles de l’ordre établi. » C’est un chemin que nous propose Bertrand Vergely : « Ce chemin passe par un combat intérieur afin de libérer le cœur des passions qui l’obscurcissent ». Toutefois, il ne s’agit pas d’écarter mais d’intégrer jusqu’aux sens eux-mêmes.
Bertrand Vergely nous invite à penser, penser autrement, tous les aspects de la vie et de l’existence. Une autre morale en découle. Ce chemin passe par une observation de « ces passions qui emmènent en enfer », passions que nous connaissons tous à des degrés d’intensité divers : « folie du ventre », « ivresse du désir », colères bruyantes ou rentrées, « faux amour », « fausse sagesse », « faux dieu » …
Viennent les antidotes, « ces vertus qui redonnent vie » : tempérance, prudence, courage, justice, foi, espérance, charité…
Fondamentalement, il est question d’identifier ce qui sépare, ce qui morcelle, ce qui perd les âmes, de ce qui les libèrent. Cette libération demande un renouvellement de l’alliance entre l’âme et le corps, une alliance pleine de finesse, celle de l’esprit.
« L’esprit embrasse tout, rappelle Bertrand Vergely. Il embrasse le ciel. Il embrasse la terre. Il embrasse la vie. Il embrasse la mort. (…) L’esprit se trouve dans la nature. Il y a en elle une énergie. Il s’agit d’un pouvoir agissant. On est dans l’esprit de la nature quand on sait communier avec elle d’énergie à énergie. »
Il s’agit de faire face, à la violence, à la mort… d’écouter l’enseignement permanent de la vie, de réapprendre par nos cinq sens. Une finalité non-duelle se glisse alors par les interstices de la vie.
Si quelques grands philosophes, Platon, Aristote, Pascal, Spinoza, Hegel et d’autres se trouvent au coin des pages pour nous guider, Bertrand Vergely nous ramène toujours à nous-mêmes. Nous sommes notre propre matière à travailler.
« Quand on est le monde, quand à travers le fait d’être le monde on est ce que l’on vit, l’expérience que l’on en a est celle d’une sensation. On sent la réalité exister. L’expérience que l’on en a est aussi celle d’une pensée. Présent à ce que l’on vit, on sent cette présence se réfléchir en soi. On sent la relation entre l’existence et la pensée, la pensée et l’existence. On vit ce que Parménide exprime quand il dit : penser et être sont le même. On sent alors le monde vivre comme une grande pensée. On le sent être une grande âme. On sent la possibilité de dialoguer avec lui en l’écoutant, en recevant ses messages. On sent la possibilité en retour de lui répondre, d’avoir des idées… »
Si le monde est une structure de réponses, ce livre en fait partie sans conteste. A ne pas manquer par conséquent.