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Bhaktivinoda Thakur de Philippe Guéniot. Editions du Cosmogone, 6 rue Salomon Reinach, 69007 Lyon.

www.cosmogone.com

Bhaktivinoda Thakur (1838-1914), de son nom civil Kedarnath Datta, fait partie de ces grandes figures de la spiritualité de l’Inde dont le nom n’a pas été retenu par les occidentaux.

Philippe Guéniot, avec ce livre, nous permet de découvrir l’engagement, le rayonnement, l’enseignement, l’œuvre de vie de Bhaktivinoda Thakur en restituant son parcours, autant que faire se peut, de manière chronologique.

Sa vie s’inscrit dans un double combat, remarque Philippe Guéniot, l’un contre le non-dualisme de l’advaita vedanta, l’autre contre le christianisme.

« Tout d’abord, nous dit-il, contre les enseignements des premiers, il lui faut restaurer le principe de la dualité (dvaita), d’un dualisme ontologique qui rappelle, sans détour, la distinction, non sous l’aspect de l’essence mais sous l’aspect de la personne, entre l’Être Suprême et tout ce dont il est l’auteur. En sorte que pour le dire simplement, s’il s’agit bien de retourner à Dieu, c’est en tant que personne et dans la persistance de son individualité propre que chacun accomplit ce chemin de réintégration à rebours, et non pas, à la façon des bouddhistes, d’un Ramakrishna, d’un Vivekananda, ou d’un Sri Aurobindo, dans l’extinction du soi. »

Nous comprenons mieux pourquoi son ancrage traditionnel dualiste ne pouvait séduire des occidentaux, particulièrement la tutelle anglaise, soucieux de réduire l’identité propre de l’Inde et de mettre en coupe réglée ce que l’on désignera, faussement, par « hindouisme ».

« En second lieu, poursuit Philippe Guéniot, et contre tous les prosélytes du christianisme, qui rencontrent un succès non négligeable dans le Bengale et dans l’ensemble de l’Inde à cette époque, il lui faut, par le rappel incessamment martelé des enseignements traditionnels, lutter contre les religions de la faute, du péché, du repentir, du dolorisme catholiques tout comme celles désincarnées issues de l’unitarisme américain, alors très en vogue. »

Il ne s’agit pas d’un dualisme fondamentalement polarisé, comme nous en retrouvons en Occident, mais d’un dualisme inscrit dans un temps cyclique, plutôt que linéaire.

Philippe Guéniot est très conscient qu’il ne peut rendre compte, malgré un travail rigoureux et éclairé, de l’être et de l’œuvre de Bhaktivinoda Thakur mais, en retraçant les épisodes les plus importants de sa vie, ses rencontres, ses interventions dans la société indienne de l’époque, son rapport au sacré et à la tradition, il nous permet de l’approcher et surtout d’approcher une œuvre de vie. Sa vie familiale et sa vie professionnelle furent des terreaux pour sa vie spirituelle et aussi des lieux d’exercice de l’intégrité spirituelle qui le caractérise. Ses combats, il les mena au nom et pour un vaisnavisme authentique basé, entre autres, sur un retour aux textes traditionnels, n’hésitant pas à dénoncer ce qu’il considérait comme des dérives dangereuses.

Ce livre, nous permet non seulement de découvrir la personne et l’œuvre de Bhaktivinoda Thakur, son influence également, mais de repenser plus justement la complexité et la richesse des traditions de l’Inde, loin des visions lissées courantes en Occident.

Si les non-dualismes sont à la mode, les dualismes méritent tout autant d’être étudiés et pratiqués. Il y a dans l’enseignement et dans l’expérience interne de Bhaktivinoda Thakur, qu’il restitue parfois, des inattendus qui réveillent et dont il ne faut pas se priver.

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