Le Corps du Souffle

Le Corps du Souffle. Voyage au cœur du son par Dominique Bertrand. Editions Signatura, Le Défens, 84750 St Martin de Castillon, France.

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Quiconque a entendu le son de la flûte shakuhachi se souvient de la suspension du temps qu’elle introduit presque malgré nous dans la conscience.

Dominique Bertrand, président du Centre International de Musicothérapie nous emmène dans l’extraordinaire voie bouddhiste zen, appelée Sui-Zen, des Moines du Vide, les Komuso de l’école Fuke.

Cette voie, nous dit-il, « consiste essentiellement à souffler dans la flûte shakuhachi, la qualité du son témoignant de la qualité de l’ici-présence. Musiciens-Pèlerins, ils ont élaboré un répertoire (Honkyoku) dédié à l’exploration de toutes les possibilités du souffle, dans le but d’atteindre Ichionbutsu : « L’Eveil en un seul son ». »

Dominique Bertrand nous raconte sa rencontre avec la flûte shakuhachi et un art d’une rare profondeur. Il fait le lien avec la voie du sabre ou avec l’ajikan, la pratique de la lettre A, et leurs approches minimalistes de la perfection. Du katana à la flûte, il s’agit de la même queste du vide.

« Parmi les arts où l’esprit du zen trouva son expression la plus pure, les arts martiaux ont le mérite d’un engagement total du corps face au plus implacable adversaire, la mort elle-même. Transposer dans la flûte cette intensité radicale en un seul souffle, et fendre l’air de manière impeccable, en est la transposition directe, exercice que je m’imposais régulièrement, de préférence debout, pour mieux sentir mon ventre et la brusque poussée du diaphragme. Au bout de quelques minutes, acceptant sans résister les premières sensations de vertige, mon esprit devenait clair, et répéter inlassablement le même geste me donnait l’impression de le polir comme un miroir, d’en aiguiser le fil si fin que je pouvais pénétrer l’épaisseur du son, et discerner les fines harmoniques qui en font la substance secrète. »

Ces mots ont valeur pour toute voie et indiquent l’essence de toute pratique. L’exploration des mythes conduit à s’intéresser plus précisément à certains mythèmes comme le mythème central du dragon et ses rapports avec le souffle, le son et le silence ou celui de la grue, symbole d’immortalité.

La pratique de l’art du souffle véhiculée dans le Sui-Zen touche à des universaux. Tout être qui respire se retrouvera dans les propos et l’expérience de Dominique Bertrand pour peu qu’il soit attentif et apprenne à écouter. L’un des intérêts de ce livre réside aussi dans la rencontre féconde entre Orient et Occident pour dépasser les identifications culturelles et reconquérir ce que nous partageons tous, souffle et son.

« La fleur, la lame, le miroir, la perle, l’arbre, le dragon, l’envol de la grue… Chaque image m’a ouvert sa profondeur, pour y percevoir le battement d’une nervure centrale : le fil du souffle. Tentant de le suivre à l’oreille, j’ai ici retraversé l’enfance, la musique, l’Inde, les nadas, l’accident cérébral, l’ermitage, la pratique… mais aussi la vacuité, l’impermanence, l’interdépendance, l’Eveil… et encore la Philosophie, l’Art, et l’Histoire, jusqu’à aujourd’hui : moi, devant ces mots qui sortent de sous mes doigts. »

Voici un témoignage profond qui parlera à chacun, musicien ou non, car l’Esprit, le Souffle est présent, disponible, quoi que nous fassions.