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Le Chevalier du Soleil. Une aventure de Monsieur de Montaigne par Jean-Luc Aubarbier, collection Vents d’Histoire. Editions De Borée, 45, rue du Clos-Four, 63056 Clermont-Ferrand Cedex 2.

https://fr-fr.facebook.com/editionsDeBoree/

 

Michel de Montaigne revient parmi nous et c’est tant mieux. Quelque peu oublié, le philosophe du quotidien s’est de nouveau introduit dans la pensée française, notamment grâce à Michel Onfray. Il a beaucoup à nous apprendre dans la période de grande confusion que nous traversons. Montaigne vécut aussi une époque troublée, à la charnière entre plusieurs mondes, passés ou à venir, au milieu des guerres de religion et des luttes sans merci pour la souveraineté.

Le verbe savoureux de Jean-Luc Aubarbier et son érudition servent un écrit où se mêlent de manière subtile l’histoire et l’imaginaire. Ce n’est pas un roman historique, ce n’est pas une pure fiction. La période couverte par le roman va de 1578 à 1609 afin de nous faire rencontrer Ravaillac, Montaigne est décédé en 1592. Le lecteur devra oublier l’histoire pour goûter l’aventure qui est proposée.

 

Jean-Luc Aubarbier met en scène une société secrète, Les Chevaliers du Soleil, dont Montaigne est membre. Ils veulent restaurer la paix et l’harmonie dans un monde déchiré par les questions religieuses et dans lequel le duc de Guise mène ses stratégies perverses. Montaigne conseille Henri de Navarre, le futur Henri IV, future cible de Ravaillac. Les voyages et les interventions de Montaigne vont se heurter aux noirceurs des politiques royales et romaines. Les célèbres Essais de Montaigne, dédiés à son compagnon de route La Boétie, sont au coeur du roman comme une valeur intangible au milieu des libertés prises avec l’histoire, libertés que Jean-Luc Aubarbier indiquent dans une postface bienvenue. Si Montaigne ne fut jamais familier avec Henri de Navarre comme c’est le cas dans le roman, il a bien cherché à réconcilier Navarre et l’Église, « pour des raisons pragmatiques » souligne l’auteur.

 

« C’est peu dire que la publication des Essais de M. de Montaigne fut un coup de tonnerre. Réformés, catholiques modérés et ligueurs attendaient son arrivée comme une nouvelle révélation, avec autant d’espoir que de crainte. La rumeur se répandait de cour en château. On disait que c’était un livre de sagesse, on disait qu’il y racontait sa vie, on disait qu’on pouvait y lire des choses tout à fait scandaleuses, on disait que c’était le plus grand livre philosophique de tous les temps. C’était comme un palais à construire dont l’écrivain aurait fourni les matériaux. Chacun s’y pouvait reconnaître tel qu’en lui-même. »

 

En quelques lignes,  Jean-Luc Aubarbier dit toute la force de la pensée de Montaigne et aussi toute sa nécessaire présence.

Outre la prégnance des Essais, ce sont les ambiances, les forces et les faiblesses des personnages qui témoignent de l’époque, de sa complexité et de sa dangerosité.

 

« Tandis qu’il regagnait son hôtel dans le coche mis à sa disposition par le cardinal et que conduisait Carmagnole, Montaigne constata que l’ambiance, dans les rues de Rome, avait changé. L’air y était mauvais, sournois, violent. On y entendait des cris hystériques, des propos apocalyptiques, des appels au meurtre. Le long du Cours, une longue rue qui traversait la ville, il vit une foule qui pressait devant elle une douzaine de Juifs de tous âges et des deux sexes, que l’on obligeait à courir, par jeu cruel. Les vieillards qui tombaient les premiers étaient piétinés, roués de coups. Soudain, il reconnut le rabbin Montefiore, son « frère d’alliance » qui l’avait si bien accueilli quelques semaines plus tôt. Avec l’aide du cocher qui fit grand usage de son fouet, il parvint à le dégager et à le mettre à l’abri dans sa voiture dont il tira les rideaux de cuir... »

 

On se laisse facilement emporter sur les routes empruntées par Montaigne, aussi bien les routes territoriales que celles d’une philosophie et d’une vie respectueuses de ce principe antique qui veut qu’être philosophe, c’est vivre en philosophe.

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