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L'Hermione

L’Hermione, Frégate des lumières de Robert Kalbach et Jean-Luc Gireaud, Editions Dervy.

Le destin de l’Hermione est exceptionnel. Le plus célèbre des navires nés dans l’arsenal de Rochefort, une frégate du Roy de 26 canons et 12 livres de balles, fut lancé le 28 avril 1779. Dès le 21 mai, il appareille et commence la chasse aux corsaires anglais, une chasse brillante, sous l’autorité du chevalier de La Touche. Mais L’Hermione va gagner ses galons en traversant l’Atlantique, le marquis de La Fayette à son bord, pour se mettre au service du général Washington. Pendant près de dix-huit mois, l’Hermione va participer aux combats des colons américains contre l’Empire britannique en gardant les côtes américaines contre les corsaires anglais.

La reconstruction à l’identique de la frégate à la fin du XXème siècle fut, à l’instar de l’édification du château médiéval de Guédelon, une initiative qui donne sens au temps et à l’histoire.

Ce livre place L’Hermione dans une perspective historique complexe. Symbole de liberté, l’histoire de la frégate s’inscrit dans les grands bouleversements que furent la naissance des Etats-Unis d’Amérique et la Révolution française. L’histoire de l’Hermione est aussi une histoire d’hommes, de personnalités passionnées, de combattants, d’aventuriers.

Les deux auteurs ont réalisé un magnifique travail de recherche avant de mettre le fruit de leurs travaux en ordre pour une traversée étonnante. En faisant revivre, parfois au jour le jour, la vie de la frégate de sa naissance à sa disparition, ils rendent compte aussi de la mise en œuvre, parfois chaotique, des valeurs de l’époque des Lumières. Une iconographie très riche et de nombreux documents ainsi qu’un lexique des termes maritimes appuient leur propos. Bien que le livre soit avant tout un travail d’historien, le lecteur est pris dans une aventure d’exception.

Un chapitre de l’ouvrage est consacré à l’influence et au rôle de la Franc-maçonnerie dans la guerre d’indépendance américaine. Des Francs-maçons, des deux côtés de l’Atlantique, influencèrent et parfois furent déterminants tout au long des sept années du conflit jusqu’à l’indépendance. On pense bien sûr à George Washington, Benjamin Franklin, Thomas Paine mais beaucoup de membres de l’ordre maçonnique oeuvrèrent dans les assemblées locales pour faire adopter des résolutions qui participaient d’un vaste mouvement des idées qu’une partie de la Franc-maçonnerie portait déjà sur l’Ancien Continent.

« Résumant et concrétisant la fondation de la démocratie américaine, rappellent les auteurs, l’image de George Washington, truelle en main, revêtu du tablier maçonnique brodé pour lui par Adrienne de La Fayette, posant la première pierre du Capitole, demeure, dans l’histoire de l’humanité, le symbole éternel de l’importance de l’éthique et de l’influence de l’Ordre maçonnique dans la société des hommes. »

Dans leur conclusion, Roher Kalbach et Jean-Luc Gireaud insistent avec justesse sur la poursuite du combat des valeurs de liberté, que représente L’Hermione, contre tous les despotismes et totalitarismes et de mettre en garde contre l’actuelle forme, particulièrement perverse, du totalitarisme, qu’est la marchandisation du monde.

« Ce dernier type de totalitarisme doit son incontestable victoire aux avancées des technocraties auxquelles le chemin a été largement ouvert, au XIXe et XXe siècles, par l’irrésistible ascension d’un matérialisme conquérant et dominateur dont marxisme soviétique et libéralisme puritain du Nouveau Monde n’étaient que les deux faces, apparemment antagonistes mais de nature similaire, du même mal s’abattant sur la planète.

L’inversion des valeurs dominantes, la substitution des concepts de l’avoir et du paraître au détriment de la valeur première de l’être se trouvent désormais accomplies. (…)

Ce totalitarisme qui conduit à la marchandisation du monde et au retrait de tout ce qui est humain dans l’homme se fonde sur le principe de la transparence des hommes, des choses, et des actions. Il opère dans un monde sans mystère, sans clôture, sans secret, et son support essentiel est la communication. A la source de ce nouveau totalitarisme, se trouve l’utopie de la société de communication. »

De nouvelles formes de dissidences et résistances doivent voir le jour pour un réenchantement du monde. Aujourd’hui, L’Hermione navigue de nouveau. « Le temps est enfin venu de la reconnaissance, et de la renaissance. » annoncent Roher Kalbach et Jean-Luc Gireaud dans ce livre superbe et profond.

Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

http://www.dervy-medicis.fr/

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