L'expérience du bonheur

L’expérience du bonheur. Une philosophie de la joie de Bruno Giuliani, Editions Almora.

Bruno Giuliani, philosophe, est l’auteur d’un remarqué Le Bonheur avec Spinoza. Il poursuit avec ce livre la mise en œuvre au quotidien d’une philosophie spinoziste du bonheur, orientée résolument vers le pôle de joie. L’ouvrage est à la fois très personnel, inséparable du parcours de l’auteur, et très pertinent pour l’autre, un autre qu’il rencontre dans une proximité respectueuse.

Bruno Giuliani part d’un constat, la joie est naturelle, pour transformer les multiples expériences négatives de la vie en expériences créatrices. Il invite le lecteur à laisser les espaces libres pour cette joie naturelle qui ne demande qu’à s’exprimer. Cette démarche conduit à une inscription dans l’instant présent, le seul lieu du bonheur.

« Un des grands malentendus à propos du bonheur, nous dit-il, est qu’il devrait durer longtemps pour avoir une valeur ou même une existence. J’entends souvent dire que la joie est éphémère et que le bonheur est durable. En réalité, peu importe la durée de notre joie. Seules comptent son amplitude et sa qualité. Je l’ai déjà plusieurs fois affirmé parce que c’est l’idée la plus essentielle à comprendre : la seule condition pour qu’une joie ait valeur de bonheur, c’est qu’elle comble notre esprit. On est heureux pendant le moment où on ressent l’amour de tout ce qui est, tel que c’est, et peu importe le temps pendant lequel cette expérience d’amour total est vécue. »

Le livre pourra parfois dérouter. Il mêle à la profondeur philosophique traditionnelle, des formes courantes dans la multitude des stages occupationnels qui polluent la scène spirituelle. Toutefois, l’exigence nécessaire est bien présente. La finalité n’est jamais oubliée.

« Vertu des génies et des mages, des saints et des saintes, des rois et des reines, la grâce est le plus haut degré de liberté. Elle apparaît lorsqu’on est totalement maître de soi ; quand on est parfaitement libre d’agir selon la nécessité intérieure de son âme ; lorsque les vices ont disparu ; que la simplicité, l’authenticité, l’érotisme, l’autonomie et l’autorité sont totalement intégrés. Alors l’ego se dissout, le mental se tait et on se sent complètement investi par la joie de la liberté. Seule règne alors l’unité de l’être dans sa pleine lumière. »

Passer de l’attachement à la relation libre, restaurer le rapport créatif au simple et au vrai, l’acceptation de la fragilité, la valeur de l’imagination sont quelques-uns des points constitutifs d’un art du bonheur, d’un art de vivre. Il s’agit bien d’une exploration non contrainte, ce qui n’exclut pas la pensée, l’observation et la distinction. Ainsi, Bruno Giuliani différencie la gaieté, l’allégresse, l’enchantement, la félicité, l’extase, la béatitude dont il rappelle qu’elle est pour Spinoza la sagesse elle-même « et cette sagesse consiste à voir que tout est parfait depuis toujours ». De la gaieté à la béatitude, c’est une voie d’éveil qui est évoquée, l’éveil qui guérit de la dualité.

Bruno Giuliani propose une approche gradualiste, non vers l’éveil, mais vers « la disponibilité à la dissolution de l’illusion de l’ego ». Cela passe par une expérience du sacré et une expansion de conscience, favorisées par les pratiques spirituelles.

Editions Almora, 51 rue Orfila, 75020 Paris, France.

www.almora.fr