Le chant du vent dans l’arbre sec commentaires de Philippe Reyru Coupey du Sansho Doei de Maître Dogen et du Komyozo Zanmai de Maître Ejo, Editions L’originel Charles Antoni.
Philippe Coupey est un moine zen de la lignée Soto zen de Taisen Deshimaru. Il propose ici un commentaire de deux classiques du zen, écrits au XIIIème siècle. Le premier est le Sansho Doei, recueil de poèmes composés par maître Dogen entre 1245 et 1253. Le second est le Komyozo Zanmai ecrit en 1278 par Koun Ejo, disciple de Dogen. Ces textes font partie des trésors traditionnels du Japon, ils constituent un enseignement de l’être à l’être et ne sont pas destinés à la « personne », au « moi ». C’est aussi un appel à la poésie comme art unique, capable de favoriser l’intuition de l’indicible, contribuer à la reconnaissance de notre réalité originelle et ultime, et préserver l’essence de toute chose.
« Quels mots pourraient exprimer l’inexprimable beauté ?
Le spécialiste du bouddhisme ne peut l’expliquer, le peintre ne peut la peindre et le scientifique ne peut la mesurer. Aujourd’hui pourtant, la science moderne parvient à tout mesurer : la vitesse de la conscience, celle de la lumière. Et à travers leurs télescopes, les scientifiques sont arrivés à une conclusion identique à celle de l’enseignement zen, de Bouddha : la conscience est plus vaste que le cosmos.
Alors ni le spécialiste du bouddhisme, ni le peintre, ni le scientifique ne peuvent vraiment transmettre cette inexprimable beauté. Mais le poète, lui, s’il ne peut l’exprimer, arrive, au moins, comme Maître Daichi ou Maître Dogen, à la préserver et à la contenir. Ce qui ne peut être ni montré ni exposé peut cependant être préservé.
La neige recouvre les feuilles rousses sous la lune. Cachées par la neige, vues par la lune… A la fin, qu’est cette inexprimable beauté ? Ce n’est pas une chose, ce ne sont pas deux choses… »
Faut-il commenter les poèmes de l’éveil ? Ne risque-t-on pas d’éteindre le feu qui libère ? Cette question, légitime, pose le problème de la fonction du langage, si souvent obstacle à la saisie du réel. Les mots qui viennent des mots ne sont qu’un bruit de plus mais les mots qui surgissent du silence révèlent ce qui est dans une modalité crépusculaire, dans l’intervalle entre les mots, dans le saut non-duel.
« Finalement on ne peut compter sur le langage. (…)
Le monde invisible ne peut être expliqué ni exprimé par le langage ; il existe pourtant beaucoup d’écrits zen, beaucoup d’enseignements donnés dans le dojo, par le passé comme à notre époque actuelle. Car les mots peuvent être efficaces s’ils viennent du non-personnel, du non-soi, et s’ils sont écoutés, entendus par le non-soi. »
Maître Ejo :
« C’est le pouvoir spirituel du non-agir par la lumière qui s’illumine elle-même. Ce komyo est originellement non-substance, non-existence. C’est pourquoi, même si beaucoup de bouddhas le réalisent dans ce monde, ils ne sont pourtant pas de ce monde. Et étant dans le nirvana, ils n’y sont cependant pas non plus. »