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Abhinavagupta, la liberté de conscience de David Dubois, Editions Almora.

         David Dubois poursuit le remarquable travail entrepris par Lilian Silburn de traduction, commentaire et mise à disposition des textes fondamentaux du shivaïsme cachemirien. Nous lui devons notamment Les stances sur la Reconnaissance du Seigneur avec leur glose composées par Utpaladeva, qu’il publia à L’Harmattan en 2007 et Au Cœur des tantras de Ksemaraja, publié en 2008 aux Deux Océans. Il manquait un ouvrage général portant sur le shivaïsme cachemirien à travers le portrait et l’œuvre du maître de référence de ce courant remarquable, Abhinavagupta.

         Le shivaïsme non-duel du Cachemire fait partie de ces rares voies directes qui expriment l’Absolu comme Liberté totale. Le shivaïsme cachemirien véhicule sans doute la métaphysique libertaire la plus aboutie de la planète, une métaphysique qui se réalise ici et maintenant de façon radicale.

         David Dubois nous fait remarquer que c’est « au moment même où la culture shivaïte du Cachemire achève d’être anéantie par l’islamisme » que « le monde découvre sa richesse et s’enthousiasme du vent de liberté qui souffle en elle.

         Le shivaïsme fait partie des religions les plus anciennes de l’Inde. C’est la principale religion de l’Inde médiévale avec le bouddhisme. L’apogée de son développement se situe au Xème siècle et Abhnivagupta semble avoir vécu entre 950 et 1050, dans cette période faste pour le rayonnement du shivaïsme. « Cependant, précise l’auteur, sous sa forme tantrique, il ne semble prendre conscience de lui même que vers le VIème siècle de note ère. ». L’évolution tantrique n’est pas alors spécifique au shivaïsme, elle est présente dans le vishnouisme, le bouddhisme et même le jainisme.

         David Dubois rappelle les quatre grandes caractéristiques du tantrisme :

         « Le tantrisme propose un salut par une initiation (…)

         Ensuite, le tantrisme est un ritualisme. Mais cela n’est pas nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est que ces rituels qui sanctifient chacun des actes de la journée d’un initié sont centrés sur l’adoration d’un Dieu personnel, ici nommé « Seigneur » ou « le plus haut Seigneur », afin d’indiquer qu’aucun pouvoir n’existe en dehors de lui. Ce culte peut-être public, privé ou purement intérieur, mai sil est toujours fondé sur un amour vivant (bhakti) d’un être vers un autre. Toute la vie et l’œuvre d’Abhinavagupta peuvent être considérés comme des expressions de cette aspiration à vivre une vie de louanges adressées à cet être inconcevable, sans lequel rien ne saurait être conçu, ni même être.(…)

         Troisièmement, le tantrisme ne vise pas seulement à la délivrance du cycle des renaissances, comme ce fut le cas des religions plus anciennes (y compris shivaïtes), mais propose en outre bonheur et succès en ce monde ou dans différents mondes après la mort. (…)

         Ceci nous conduit naturellement au quatrième trait du tantrisme – le plus important peut-être – à savoir la recherche de la liberté et du pouvoir. Le tantrisme est un culte de la puissance (shakti), essence de la souveraineté recherchée par les rois comme par les hommes du commun. »

         Cette puissance et cette liberté sont impersonnelles et exigent de s’affranchir en premier lieu de ses conditionnements mais sans rien rejeter, tout au contraire en réduisant toutes les oppositions, tous les antagonismes, tous les dualismes.

         Adepte du Trika, et du Krama, branches de la tradition Kaula, érudit, Abhinavagupta va devenir un maître non seulement dans les arcanes tantriques mais dans les arts, ce qui est tout à fait shivaïte. Il va étudier  et pratiquer les enseignements les plus profonds, notamment ceux d’Utpladeva et de sa philosophie de la Reconnaissance. C’est cependant son maître, Shambunatha, qui lui transmit les pratiques les plus secrètes qui le conduisirent à s’établir dans sa libre nature originelle et ultime. Il va après cette rencontre entreprendre une synthèse magistrale de tous les savoirs de l’Inde par une démarche inclusive unique.

         David Dubois prend grand soin à préciser les notions fondamentales de la pensée d’Abhinavagupta. Il insiste sur cette non-voie, cet art de ne rien faire, de l’évidence, cette pratique absente. Son essai n’est pas un exposé. Tout en présentant avec brio les axes, les points essentiels de l’enseignement et de l’expérience shivaïte non-dualiste, c’est d’abord un pressentiment qu’il veut provoquer, celui de l’absolue liberté de notre réalité, celui de la non-séparation. « Seul Shiva peut adorer Shiva. »

         L’ouvrage propose également « Cinquante stances pour expliquer la réalisation ultime » composées par Abhinavagupta. Parmi elles, celle-ci :

         « Plongeant dans la conscience de soi,

         Souveraine de l’espace,

         Grand lac de plénitude remplis par les quatre rivières de celle qui se meut dans l’espace, etc.,

         On doit y noyer l’inconscience. »

Editions Almora, 51 rue Orfila, 75020 Paris, France

www.almora.fr

Tag(s) : #Eveil
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