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Kati Rudlova

par

Rémi Boyer

La photographie est un art et cet art s’exerce avec une intensité singulière dans la photographie de nu, particulièrement du nu féminin.

Le rapport entre le photographe et son sujet est toujours chargé de non-dits. C’est d’abord une rencontre entre un homme et une femme, parfois entre une femme et une femme, souvent chargée de désir. Il n’est jamais anodin de se déshabiller sous le regard de cet « autre ». Cela devient trop souvent un rapport déséquilibré entre celui qui maîtrise son art et celle à qui la qualité de sujet est rapidement retirée. Un grand nombre de jeunes femmes qui posent souffrent d’être considérées comme un simple objet de fantasmes, manipulé à loisir par un photographe. Il n’est point rare que l’affaire se termine devant des tribunaux médusés ou ricaneurs, qui se font souvent complices, et se révèlent misogynes.

Si oeuvre il y a, elle est bien dans la rencontre entre le regard de l’artiste et la profondeur du sujet. Le photographe peut croire aisément changer d’objet mais chaque sujet est absolument unique. Une femme peut changer de photographe. Elle demeure. Chaque artiste révélera une autre dimension de son sujet. L’art exige, entre l’artiste et son modèle, une co-créativité qui nécessite une éthique. Sans cette éthique, nous tombons dans le commerce de marchandises périssables et nombreuses sont les femmes qui ne sont pas remises d’avoir été dupées par l’homme en qui elles avaient placé leur confiance au point de se mettre à nu.

Dans ce jeu subtil, qui peut entraîner vers l’enfer ou au contraire conduire au sublime, l’importance du regard est considérable. Nous voulons ici le démontrer avec un modèle exceptionnel, Kati, ou Katerina Rudlova.

 

  

 

Kati est née en 1974 en République Tchèque. Elle a fait des études de philosophie et de sciences sociales. Elle vit aujourd’hui dans le sud de la France.

Depuis l’enfance, elle est fascinée par l’art photographique mais ce n’est qu’en 1998 qu’elle est devenue modèle, pour elle-même, elle aime se photographier, et pour des photographes amateurs ou professionnels.

Ce qui frappe à la découverte des fine art de Kati c’est qu’elle n’est jamais objet mais bien sujet, que l’oeuvre d’art, c’est elle-même, mise en perspective par le talent du photographe. Sa beauté n’est pas celle d’une playmate mais celle d’une muse, source vive d’un ou de plusieurs poètes.

 

 

 

 

C’est peut-être son regard d’émeraude claire, qui évoque Lucifer, ou Lucibel, le porteur de lumière, ce regard profond, étoilé, transparent, parfois caché ou détourné, rieur ou étonné, plus encore que sa beauté peu banale, qui constitue le révélateur d’un éternel féminin, d’une essence féminine qui vient à la rencontre de celui qui « voit ». Kati réfute le terme d’exhibition. De manière radicale pour une éventuelle exhibition de l’âme, de façon subtile quant à l’exhibition du corps qui est, dit-elle, davantage suggéré qu’exposé.

Les mots qu’évoquent ses photographies sont liberté, fantaisie, légèreté, pétillement, frémissement... Cependant, ce qui caractérise peut-être davantage sa photographie est l’élégance, entendue comme le geste le plus infime qui engendre la plus grande émotion créatrice.

 

 

 

Kati pose nue. Son corps, proposé avec pudeur, remplace les mots, appelle les émotions, fait se percuter les concepts, invite enfin au naturel. Il semble qu’à chaque nouveau tirage, Kati se rapproche davantage d’elle-même et invite photographes et spectateurs à faire de même, de « voyeur » devenir « voyant ».

« Voir » est la clef du réel. Non pas regarder mais « voir », c’est-à-dire traquer le réel, non seulement avec la vue mais avec la totalité des sens et l’être même pour peu qu’il ne soit pas relégué aux oubliettes par la personne conditionnée.

L’artiste a souvent cette intuition. « Voir » ne consiste pas à regarder le monde ou l’objet extérieur mais à l’engendrer, le créer, le nourrir. Il n’y a pas un monde extérieur à regarder mais, à chaque instant, il y a un monde, des mondes, à créer.

 

 

Le monde n’est pas s’il n’y a pas un regard, un seul suffit, un vrai regard fait d’abandon, de présence et d’intensité, pour lui insuffler la vie. La danse de la vie jaillit du regard. La chair, minérale, végétale ou animale, éclot dans l’oeil intérieur. Ce regard là, c’est le regard de Kati.

Mais si Kati offre son  corps comme une poésie de lumière, elle sait aussi peindre avec les mots quand son corps invite, lui, au silence. Muse, elle est aussi poétesse, non écrivain, qui écrit en vain, mais auteur, qui écrit au plus haut de soi-même :

 

Ton regard glisse sur mon corps,
mon coeur palpite
et voit les décors des autres mondes.

Tu te délectes de ma nudité…
Je ne suis plus qu'une femme nue, un livre a la main,
je suis ce que je lis.

Tu regardes la délicate et frêle esquisse d'un sein dans la pénombre.
J'ai entrevu maintes choses dans ce monde en deux couleurs
et mainte vérité m'a été dévoilée dans les livres.

Toi et moi, si éloignés,

tu vogues a la surface de ma nudité,
le noir et blanc t'ont offert l'image de la femme
le noir et blanc m'ont offert l'image de ma vie.

Tu me vois nue, un livre entre les doigts,
mais quand je me promène entre les lignes,
en mots je m'habille.

Mon habit tisse des idées,
me protége de la pluie et la gelée, du spleen et des ombres,
du malheur et des déchirements.

Cet habit me comble de joie.
Je suis devenue une partie du monde
quand, sous mes yeux, passaient les lettres.

Les livres m'ont fait découvrir cette vérité qu'il faut rêver,
donc je rêve…
…et je suis nue,

et je te laisse glisser sur ma nudité.

 

Poème extrait de Balade autour de Katka et autres flâneries, textes de Katerina Rudlova, photographies de Baudouin de Rochebrune (à commander auprès du photographe : bmh.de-rochebrune@wanadoo.fr)

Kati est une artiste à découvrir,  à contempler, à « voir », à lire aussi...

A vous, désormais, de voguer dans l’imaginal de Kati, comme au coeur d’une méditation :

 http://www.katirudlova.com

 

Tag(s) : #Art
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