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Quand Jésus parle à Israël. Un rabbin lit les Evangiles de Philippe Haddad. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
Dans le contexte conflictuel actuel, ce livre, qui met en évidence les bienfaits des rencontres entre les religions, paraît vital. Philippe Haddad, rabbin, appartient à la mouvance libérale de la JEM. Il enseigne les Evangiles à l’aune de la tradition juive.
Le Nouveau Testament est intimement intriqué avec l’Ancien Testament. Le regard de Philippe Haddad est particulièrement intéressant, tant pour les juifs que pour les chrétiens.
« Jésus !
Ce livre, nous dit-il, portera sur lui un témoignage, notre témoignage, le témoignage d’un enfant d’Israël, rabbin de surcroît, engagé dans la mouvance libérale, qui n’est donc ni chrétien ni Juif pour Jésus, qui ne partage pas les axiomes et les dogmes de l’Eglise, et qui pourtant, à force de lire, de méditer, d’étudier, de commenter et d’enseigner les Evangiles en divers lieux, a fini par se trouver à proximité d’un certain juif Jésus, ou devrions-nous dire avec Yéochouâ pour être plus authentique dans ce rapprochement. »
Afin de dépasser malentendus, simplifications, erreurs, préjugés, parfois même caricatures, Philippe Haddad propose de dissoudre les brumes qui entourent la relation entre Jésus et Israël. Il recherche ainsi Jésus « dans son cadre historique, dans son cadre religieux » mais identifie aussi l’originalité de son enseignement et d’une spiritualité qui s’inscrit dans l’action. Il prend soin de distinguer différents regards posés sur Jésus, l’individu et son œuvre, selon les écoles de pensée, regards étirés entre histoire et foi.
Avant d’approcher la biographie de Jésus, Philippe Haddad dresse un tableau de son époque. Conscient des tensions entre judaïsme rabbinique et judéo-christianisme, il s’appuie sur un recours à la langue de Jésus, l’hébreu, langue des prophètes, et l’araméen, langue du peuple. « Nous sommes arrivés, dit-il, à la conclusion que nous ne pouvions comprendre Jésus qu’en hébreu. »
L’hypothèse posée est qu’« il existe à l’époque du second Temple, et déjà avant Jésus, des traditions orales, que l’on s’interdit d’écrire, et qui servent de source d’inspiration ». Ceci expliquerait la présence de formules identiques ou très proches dans les paroles de Jésus et dans celles de rabbins mettant par écrit la Torah orale. Dans l’enseignement de Jésus, nous trouvons un grand nombre d’éléments de la tradition juive.
Cette ouverture permet de redonner vitalité aux nombreux épisodes de la vie de Jésus, souvent figés dans le dogme. Jésus est venu accomplir la Loi et non l’abroger, par conséquent le recours à la Torah et à l’hébreu est indispensable pour cerner la profondeur de cet accomplissement. Il permet de rendre l’enseignement vivant, accessible et éthique, une sagesse et un mode de vie qui parlent aux habitants de ce monde aujourd’hui, quelles que soient leurs appartenances religieuses ou philosophiques. Il permet d’aller au-delà des différences tout en les respectant, d’introduire la nuance et la fluidité dans l’étude spirituelle et surtout dans une mise en œuvre bienveillante.
L’ouvrage, très étayé tout en évitant une érudition assommante, nourrit non seulement la compréhension du judaïsme comme du christianisme, mais permet à chacun, à travers un Jésus qui demeure à la fois une énigme et un compagnon de route, de mieux se connaître.