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La Mer, le Métal et la Géométrie de Rémi Boyer, Jean-Christophe Pichon et Jean-Michel Nicollet. Editions Le Collège des Temps.

https://lecollegedestemps.fr/

L’éditeur, Le Collège des Temps, précise que le fil rouge de ces trois interventions est l’alchimie :

« Des alchimies relient ces trois textes : métaphysiques (la création et la figure), cosmiques (le cosmos et les planètes), géométriques (le cercle et l’infini) ; la géométrie fusionnant l’éternité et le temporel.

Trois textes, trois manières différentes d’exprimer une réalité fugi­tive qui ne cesse d’aller, de disparaître et de revenir ; une réalité à la fois poétique, argumentée et figurative, qu’il semblait nécessaire d’assembler ici. »

 

Le premier texte de Rémi Boyer est consacré au Finistère, fin de la terre, porte sur l’infini :

« Si le thème de l’île imprègne nombre de traditions initiatiques, le finistère a suscité bien moins d’écrits, si ce ne sont ceux de poètes, alors que sa puissance symbolique et imaginale est tout aussi remarquable. Par ailleurs, le finistère comme mythème conduit naturellement au mythème de l’île. Les finistères ne cessent de nous appeler à la contemplation, à l’introspection et à la réalisation de notre véritable nature, cette île centrale où le Grand Réel se révèle. Si Dieu et la Nature sont identiques selon Spinoza, le finistère, comme la montagne, détient une place privilégiée dans la révélation de cette alliance ou de cette union. (…)

Pourtant, profondément, ce qui se donne à voir est la matière essentielle de l’expérience du finistère, cette expérience, cette vision, est à la fois mystique, mystérique et alchimique. Elle suscite le sentiment de non-séparation, invite aux mystères, petits ou grands, et enseigne même les voies du Grand-Œuvre. Elle se nourrit de la puissance d’exploration de l’être humain qui ne cesse de reculer les limites du « voir », hier l’horizon de l’étendue océanique, aujourd’hui le nouvel horizon si sombre des abysses océaniques ou le fascinant horizon spatial. Mais à ces espaces extérieurs correspondent, tout aussi vertigineux, des espaces illimités intérieurs. Si le finistère fascine, suscite méditation et contemplation, c’est qu’il est une hiérophanie du Réel. Ce n’est pas seulement, la terre, l’océan, le ciel que nous contemplons mais le sacré. »

A partir de l’expérience de contemplation de plusieurs finistères, notamment ibériques, et de l’apport significatif, souvent indirect, de certains auteurs, c’est une plongée en nous-mêmes qui est envisagée, en quête de ce qui demeure. Le texte est illustré de peintures de Lima de Freitas qui a souvent peint des finistères visionnaires unissant l’océan, la terre et le ciel.

 

Avec L’alchimie dévoilée par le télescope, c’est une autre plongée, dans l’espace infini que réalise Jean-Christophe Pichon à partir des images éblouissantes venues du cosmos, envoyées en 2022 par le télescope géant James Webb, pour traquer l’apparition des métaux.

« Pour schématiser, dit-il, une étoile en fin de vie se ratatine, refroidit et, compressée, exhale son dernier soupir en fécondant l’espace avec la matière qui la constitue. Cette matière, se démultipliant, reprend vie, transforme le plomb en or, comme l’imaginent les alchi­mistes, se coagule sous l’effet de la gravité en des boules de feu compactes truffées de métaux transmetteurs de l’énergie nécessaire à la genèse et au déploiement du vivant. »

 Reprenant le fil des découvertes de l’astronomie, mais aussi d’autres découvertes qui ont bouleversé l’organisation humaine, comme l’électricité, c’est notre rapport au vivant qui est questionné :

« La fée électricité, telle la grande prostituée de Babylone, fait l’objet d’une récupération à l’échelle mondiale, et captive se vautre dans le lit du développement industriel, économique et financier de ces dernières décennies. Son utilisation excessive, ainsi que le pillage des métaux, étant sans doute à la source de la lente et inéluctable asphyxie de la planète, de son appauvrissement, dont nous subissons aujourd’hui les effets. »

Ce sont notamment les paradoxes de la physique qui nous permettent d’approfondir sans cesse la recherche de l’origine de la vie comme de l’univers et de flirter nécessairement avec la métaphysique qui anticipe souvent les découvertes scientifiques. Jean-Christophe Pichon fait ainsi le lien entre les grands textes alchimiques et certaines images envoyées par le télescope James Webb qui pourraient tout à fait les illustrer.

« Zozime pensait que toute substance est composée de deux parties liées : un corps (soma) et un l’esprit (pneuma), qu’il faut séparer afin de libérer l’esprit du corps. L’esprit donne à la subs­tance les couleurs de la vie, caractéristiques du métal, le corps n’étant qu’une dépouille mortelle, dont la substance est présente dans les métaux vils (cuivre, fer, plomb et étain). L’esprit sera fixé de nouveau sur un métal noble (l’or ou l’argent) en opérant une transmutation, et reconstituant ainsi les trois étapes de la création du monde : l’œuvre au noir, l’œuvre au blanc et l’œuvre au rouge (ou jaune et rouge).

Ce que l’on peut interpréter en cherchant une analogie avec l’image du Webb : extinction de l’étoile et putréfaction de la matière ; apparition de l’hydrogène, puis de l’eau divine, et sépa­ration du soufre/mercure ; puis apparitions des métaux nobles et inaltérables, l’or et l’argent, puis naissance du Soleil et de la Lune. Pour les alchimistes, il s’agit d’une quête des principes constitutifs de la matière originelle et du souffle spirituel, que matérialise la transmutation des métaux. Les grands anciens avaient découvert que ces métamorphoses étaient à l’origine de l’organisation de la vie. »

Le propos est aussi passionnant que précis. En traversant les époques et les cultures qui, comme celle d’Al-Andalous, ont su faire dialoguer, sciences, métaphysiques et philosophies, Jean-Christophe Pichon renoue avec une pensée vaste, intégrative, réalisatrice, qui ne cesse d’approfondir plutôt que de conclure, qui sait réellement mettre l’érudition au service de l’esprit plutôt qu’à celui de son autocélébration. Il sait tisser culture populaire et hautes sciences, nous conduire sur des chemins inattendus aux carrefours de la connaissance.

 

Jean-Michel Nicollet nous introduit à La Géométrie sacrée : le langage du silence. Il envisage « deux utilisations mysté­rieuses de la géométrie. Tout d’abord celle des bâtisseurs, utile au métier et plus peut-être, comme l’art du trait chez les compagnons qui permet aussi bien l’esthétique ou l’harmonie que la solidité de l’œuvre à réaliser. Mais, c’est d’une autre forme dont je vous entre­tiendrai ce jour, dite « géométrie hermétique » directement ratta­chée au monde ésotérique et dédiée aux cherchants en cette matière. »

Les figures géométriques, point, cercle, triangle, carré et autres polygones sont des symboles vivants, c’est-à-dire qu’ils enseignent.

« Cette géométrie, indique Jean-Michel Nicollet, fait partie de la science mathématique, il est vrai ! Qui se lie au plan et à l’espace. Il serait peut-être important de conjoindre le mot arithmétique ou ars metrica : l’art de la mesure qui de fait conduit au nombre qui se rattache à la proportion. Mais l’interprétation attentive de ces diverses figures permettrait donc d’approcher et affiner des dimensions qui habituellement échap­pent à l’homme en quête de son passage ici-bas, en tentant de maté­rialiser visuellement ce qui est difficilement formulable verbalement, tout en stimulant la part intuitive de son être. »

Au-delà de la foi et de la raison, et non contre, la Géométrie apparaît comme un langage à la fois universel et réservé, immédiat et voilé, au service des arts, de la peinture à la littérature, un langage qui peut se perdre mais qui peut aussi se retrouver car il demeure à travers les temps pour orienter vers les archétypes.

« Archétype, nous rappelle Jean-Michel Nicollet, vient du grec « Arkhé » : principe et « Typos » traduits par modèle. Ce serait donc ainsi, une formulation appro­chante du Principe créateur et de son œuvre, et par déclinaison de « l’harmonie universelle » ou encore des exemplaires éternels comme Dieu et la création, dont les choses individuelles ne sont que des reflets ou des copies. La suite de figures que la géométrie produit, tenterait alors, de prouver qu’un message profond, un témoignage toujours à redécrypter, pourrait être laissé par ce Principe pour nous aider à nous approcher de « la connaissance » dans le plein sens du terme et préciser le sens de notre parcours terrestre et peut-être aussi de celui qui lui succède. »

 

Les trois parcours rassemblés dans ce livre, que le lecteur peut emprunter selon ses désirs et ses disponibilités, mêlent originalité et tradition, liberté et ordre, analyse et perception, rêve et réalité, science et poésie…

 

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