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Après la modernité, quelle Franc-maçonnerie ? de Marc Halévy. Collection à hautes voix. Coédition Académie maçonnique de Provence et Editions Ubik.
Pour évoquer cette question de l’avenir de la Franc-maçonnerie, Marc Halévy a placé au cœur de son livre le Regius, cet ensemble de règles du métier, datant de 1390, « bien antérieur à la Renaissance et à la Modernité » remarque-t-il, comme une pierre d’angle nous permettant de bâtir l’édifice maçonnique à travers le temps.
Il commence par présenter sa vision du changement de paradigme nécessaire pour dépasser ce que nous désignons aujourd’hui comme « crise ». Les défis à relever sont écologique, technologique, économique, sociologique, éthologique, cinq défis qui nécessitent régulations, bifurcations, mutations pour accompagner des processus complexes. Le caractère inéluctable, irréversible des bouleversements qui composent cette « crise » lui font évoquer « la survie partielle de l’humanité » et la nécessité de « l’enfantement » d’une humanité nouvelle. Tableau très sombre donc mais pas désespéré ni désespérant.
La Franc-maçonnerie se trouve à la fois objet et sujet de ce processus, objet quand, impuissante, elle est secouée par les bouleversements en cours, sujet quand elle retrouve sa puissance d’invention, d’orientation, de création. Pour cela, Marc Halévy revient aux fondamentaux qui anime la Franc-maçonnerie comme ordre initiatique. Deux idées sont évoquées, celles de divinité et de sacralité ainsi que trois principes, intentionnalité, constructivité, cohérence, au service de la mystique de la construction du Temple et d’un constructivisme universel qui caractérisent l’œuvre maçonnique.
Marc Halévy aborde la Franc-maçonnerie comme un organisme vivant doté d’un corps, d’un cœur, d’un intellect, d’« une âme, enfin, une âme collective qui (et c’est le sens étymologique du mot âme) l’anime au plus profond d’elle-même ». Il s’attarde sur le sens et l’expression de cette animation, puisant dans le passé pour se projeter dans l’avenir. « L’avenir de la Franc-maçonnerie, dit-il, sera mystique ou ne sera pas. Si elle ne quitte pas la Modernité et les Lumières, elle mourra avec eux. » Nous comprenons mieux la place centrale du Régius dans ce livre. Il s’agit de puiser dans les valeurs antérieures à ce que nous désignons de manière très arbitraire comme la Renaissance et à la Modernité pour une réédification indispensable et même urgente.
La dernière partie de l’ouvrage propose cinq voies pour une Franc-maçonnerie post-moderne, dans laquelle nous remarquons entre autres « une respiritualisation du monde », « une resacralisation de la vie », « une réhabilitation de la métaphysique et de l’intemporalité », une réhabilitation de la fraternité et de l’éthique, un appel à l’action et à la virtuosité.
« La quête de la perfection, écrit-il, est omniprésente et centrale. Virtuosité et perfection se confondent. Et, suprême humilité, la perfection dernière et la virtuosité ultime reviennent toujours à la Nature ; jamais à l’homme.
La quête de la virtuosité est une quête initiatique, une quête spirituelle. Une quête infinie, inépuisable. Les maîtres zen savent bien qu’une vaisselle parfaitement parachevée vaut plus que toutes les pratiques de méditation, de rite ou de prière. »
Nous pensons à Goethe : « Au commencement, il y a l’action… ». C’est, conclut-il, en apprenant la lucidité afin de découvrir et assumer son propre destin :
« Chaque instant qui vient, appelle l’accomplissement de tout ce qui est encore inaccompli : à nous d’y répondre, ici et maintenant.
Le destin est là, dans cet appel à accomplir l’inaccompli, à écrire la suite de l’histoire, à jouer, avec plus ou moins de talent et de fougue, le rôle qui m’est proposé sur l’immense scène du théâtre cosmique. »