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Les Imaginaires du Nouveau Monde. Volume collectif sous la direction de Lauric Guillaud et Georges Bertin. Editions L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.
Georges Bertin nous a quittés alors que ce livre était sous presse. Son ami de toujours et complice, Lauric Guillaud, lui rend un hommage appuyé : « Il restera pour moi la pierre de voûte de la recherche arthurienne et un ami fidèle dont l’œuvre continuera de ruisseler dans nos têtes et nos cœurs. Chaque page des Imaginaires du Nouveau Monde est un hommage à sa mémoire. ».
Cet ouvrage collectif s’inscrit dans la tradition de recherche durandienne dont Georges Bertin demeure sans doute l’héritier le plus rigoureux. Le sujet choisi, les Imaginaires du Nouveau Monde, est un peu un sujet oublié alors que sa prise en compte est plus que nécessaire pour comprendre le monde d’aujourd’hui. Voilà comment Lauric Guillaud introduit l’ouvrage :
« Pour savoir quand commence le « Nouveau Monde » – mais y a-t-il en fait un « Nouveau Monde » ? –, il faudrait reconstituer l’état des lieux de l’imaginaire occidental, aller bien au-delà des péripéties historiques ; revisiter les rêves collectifs, les mythes fondateurs, la polymorphie des images et des archétypes qui vont progressivement aiguiser les désirs d’ailleurs, irriguer la soif de découverte qui aboutira à l’invention de la nouveauté, matérialisée par les terres réelles des Amériques. On sait ce qui va advenir à ces autres terres, à ces autres hommes, une fois confronté à la perversion du grand rêve d’Occident, une fois la quête muée en conquête. La monstruosité n’était pas du côté de la sauvagerie mais de la civilisation. »
Bien des chimères de l’imaginaire européen vont être à l’origine de massacres partout où les européens se sont rendus. Il y a peu d’exceptions et elles sont momentanées. D’imposture en imposture, depuis les Découvertes, nous avons édifié autour de l’idée de « Nouveau Monde » un ensemble de mythes qui justifie l’injustifiable. Les contributions rassemblées dans cet ouvrage permettent d’éclairer des mécanismes toujours à l’œuvre dans les discours et dans les actes.
Sommaire : Ouverture de Lauric Guillaud – Le Nouveau Monde entre prodiges et impostures par Lauric Guillaud – L’Atlantide et le Nouveau Monde par Jean-Pierre Sanchez – Mythes américains : Fable des Antipodes et géographie mythique dans la Découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb de Lope de Vega de Maria Aranda – L’Amérique et le mythe du paradis chez les essayistes de langue espagnole par Ricardo Tejada – La verticalité de l’imaginaire politique dans l’art mural mexicain par Ana Cecilia Hornedo – Santa Evita de Tomás Eloy Martinez ou l’histoire d’un mythe argentin par Cécile Marchand – Dystopies chinoises de Gilles Susong – Nouveau Monde, Nouvel Âge (New Age) par Georges Bertin - Inventer le futur au XXIème siècle, quels espoirs de nouveaux mondes par Emmanuel Thibault.
Si l’Amérique est très présente dans ces études, les regards se portent également sue d’autres contrées même s’il s’agit avant tout d’une « translatio occidentale »
Dans la conclusion qu’il fait à ce livre, Georges Bertin résume :
« Lauric Guillaud a écrit que le Nouveau Monde n’existe pas plus que la Nature Vierge, l’Amérique ayant été inventée par l’Europe.
Et pourtant depuis que l’homme est homme, il est parti à la recherche de nouveaux mondes et ce qu’au prix de bien des navigations de celle de Saint Brendan, la quête de Pantagruel dans Rabelais ou le voyage à Santiago de Compostella au bout de la terre, à l’Utopie, ce lieu de nulle part.
D’abord voyage intime, quand il croyait les découvrir et s’acharnait à percer les insondables mystères de son esprit.
Puis, versant social, quand il croit que, plus à l’Ouest, s’étaient établies des communautés humaines vivant autrement leur relation au collectif.
Il en va de même dans la conquête des espaces nouveaux comme ceux des Amériques ou d’Îles souvent fortunées et les historiens ont interrogé cette translatio imperii qui tendait, pour les pouvoirs en place, à se chercher des possibilités d’expansion quasi illimitées, et l’histoire en est longue des hordes de Gengis Khan aux empereurs romains puis aux conquérants espagnols et portugais, jusqu’aux Pilgrims Fathers, dans un autre registre. »
C’est bien d’une constante dans l’expérience humaine dont il s’agit, d’une volonté, souvent guerrière, de découverte vite transmuée en conquête, dont l’observation nous permet d’étudier, parfois de comprendre, la tension entre tradition et modernité, ancien et nouveau, à la croisée des imaginaires.