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De quête du Graal en Avallon de Georges Bertin. Editions Cosmogone 6, rue Salomon Reinach, 69007 Lyon.
Georges Bertin, spécialiste incontesté des études arthuriennes, entre autres, a publié de très nombreux travaux aussi passionnants que nécessaires dans le cadre universitaire ou en d’autres lieux de culture.
Dans ce livre, il associe l’étude de la symbolique et de l’imaginaire arthurien avec les travaux de terrain, entendons la correspondance entre la géographie mythique arthurienne et sa possible localisation en terres normandes et au-delà, ce que Georges Bertin désigne comme « les Marches de l’Ouest ».
Dans la première partie de l’ouvrage, il nous offre un vaste tableau de la quête du Graal, traditions et littératures, à travers les objets du Graal, les figures du Graal, les sources, les héritages, les influences, les prolongements, les actualités, un ensemble vivant, une machine pensante et créatrice qui impressionne à la fois par sa permanence et sa puissance de mutation et d’adaptation. L’imaginaire arthurien fait partie de notre culture, le plus souvent de manière inconsciente, depuis notre enfance. En tant qu’imaginaire, cette constellation de mythèmes, riche de sa complexité, parfois de ses contradictions, installe des valeurs, des stratégies, des compétences, des savoirs, des orientations et contribue à nous constituer comme individu autonome et libre.
Georges Bertin appelle à de multiples lectures, littéraire, théologique, mystique, initiatique, psychologique, anthropo-symbolique… pour déceler une « convergence des significations ».
« Le Graal, coupe d’abondance, caverne, esquif abandonné aux eaux vives vers le pays des fées, cœur mystique et réceptacle du Précieux Sang est bien, en effet dominé par un symbolisme des images qui se réfère à la Terre Mère primitive, et l’on aurait également à interroger, de ce point de vue aussi, le mythe du paradis perdu, état d’indifférenciation providentiel (au sens du verbe latin providere = fournir en abondance), c’est-à-dire entièrement soumis au bon vouloir et aux lois de la Providence qui est aussi la divinité. Quand le pacte est rompu avec cet état de grâce originel (et l’on en trouvera, là encore, de nombreux exemples dans le vocabulaire politique contemporain), l’homme doit s’assumer, vivre dans le provisoire mais aussi dans la Liberté, son plus précieux bien. (…)
La Table Ronde, en activant la mise en commun des énergies et en abolissant jusqu’à l’idée même de hiérarchie, réalise la conjonction des contraires, passe de l’individu au communautaire, nous place dans les perspectives ouvertes de la personne. »
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée au mythe d’Avalon, mythe central et mythe du Centre au sein de la tradition arthurienne comme d’autres îles fortunées ou enchantées des traditions et de la littérature. L’île aux Pommes, ou l’île aux Femmes, l’île des Neuf Sœurs, a de nombreuses fonctions initiatiques associées notamment au jardin. Ce peut être aussi bien un lieu ultime axial qu’un lieu de passage vers une autre dimension de la quête. Les mythes avalloniens connaissent un renouveau avec l’intérêt actuel pour le féminin sacré et les rites anciens ou modernes de la Déesse. Si les interprétations et actualisations du mythe sont multiples, les archétypes mis en œuvre demeurent et peuvent être distingués depuis des formes traditionnelles jusque dans le cinéma.
La troisième partie de ce travail nous conduit sur les routes bien terriennes du Graal. Depuis un demi-siècle, des chercheurs, rassemblés autour de Georges Bertin, ont étudié, interrogé, analysé, fait connaître, les travaux d’un érudit bas-normand, quasi inconnu, René Bansard (1904-1971) qui s’est longuement penché sur les rapports entre de nombreux sites aux Marches de Normandie, du Maine et de Petite Bretagne avec les mythes et légendes arthuriens.
« Nos travaux, précise Georges Bertin, depuis maintenant 50 ans, assignent des localisations raisonnées et fondées sur plus de quarante convergences entre les sites des marches de l’Ouest et les situations romanesques décrites dans les ouvrages arthuriens. »
Vous pouvez découvrir cet aspect géographique convaincant dans un intéressant entretien accordé par Georges Bertin, accessible sur le site des Editions du Cosmogone.
Ce livre, érudit, agréable à lire, plein de poésie, magnifiquement présenté, est indispensable pour qui étudie les mythes arthuriens ou la quête chevaleresque en général.
Entretien avec Georges Bertin : https://youtu.be/Cb1vTq9NEcU
Davantage sur les recherches de Georges Bertin :