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Ken Wilber

         En publiant le livre de Franck Visser, Ken Wilber, la pensée comme passion  sur l’un des tous premiers penseurs des trente dernières années, les Editions Almora rendent peut-être un grand service à la France qui risque une nouvelle fois de passer à côté de Wilber comme elle est passée il y a 60 ans à côté de la Sémantique générale de Korzybski. Or les deux œuvres sont aussi essentielles, aussi révolutionnaires. Wilber est déjà connu un peu partout dans le monde sauf dans l’hexagone, à l’exception de quelques milieux bien précis.

         Ken Wilber divise son travail en périodes qu’il nomme Wilber 1, Wilber 2, etc. Ce livre, publié en 2001 aux Pays-Bas traite des quatre premiers Wilber. Nous sommes déjà en 2010 à la période Wilber 7. Le penseur tire bien plus vite que son ombre (un livre par an) grâce à une capacité de travail et d’analyse tout à fait hors norme. Il est cependant indispensable de connaître les périodes précédentes pour saisir l’opportunité d’une nouvelle période. Chaque période voit émerger un nouveau plan d’intégration englobant les précédents. Nous sommes dans une entreprise sans précédent de pensée intégrale.

         Ken Wilber est un penseur atypique. On ne devrait pas avoir à mettre cet adjectif. Tout penseur véritable est atypique. Malheureusement la prolifération de pseudo-penseurs sans intérêt et d’un conformisme navrant oblige à préciser.

         Le mot le plus important dans l’œuvre de Ken Wilber est donc « intégral ».

         « Le mot intégral, explique-t-il, signifie complet, inclusif, non marginalisant, englobant. Les approches intégrales dans bien des domaines ont exactement cette signification : elles incluent autant de perspectives, de styles, de méthodologies possibles à l’intérieur d’une vue cohérente du sujet. Dans un certain sens une approche intégrale est une approche « méta-paradigmatique », ou une façon de rassembler un certain nombre de paradigmes différents dans un réseau de perspectives reliées les unes aux autres et s’enrichissant mutuellement. »

         Nous sommes donc à contre-sens de la pratique, très française, de la parcellisation du savoir en petits fiefs de pouvoir sur lesquels camper. La résistance de la culture française à Wilber comme à Korzybski n’est donc pas seulement dû à la frilosité des éditeurs, qui ont toutefois leur part de responsabilité dans cette lacune globale.

         Il poursuit :

         « Dans les études sur la conscience, par exemple, il y a au moins douze écoles différentes, mais une approche intégrale insiste sur le fait que chacune des douze détient une vérité importante même si elle est partielle, vérité qui a besoin d’être prise en compte dans n’importe quelle approche complète digne de ce nom. Cela est aussi vrai pour les nombreuses écoles de psychologie, de sociologie, de philosophie, d’anthropologie et de spiritualité : elles possèdent toutes une pièce importante du puzzle intégral, et chacune d’elles a besoin d’être reconnue et incluse dans une approche plus complète et intégrale. »

         Ken Wilber ne rejette donc aucun modèle mais observe en quoi son articulation avec d’autres modèles vient enrichir un modèle plus vaste qui lui-même…

         Il rappelle que tout est contextué, et que rien ne saurait être appréhendé hors d’un contexte. Pas d’absolutisme donc.

         Il n’hésite pas pour cela à dénoncer l’hypertrophie de certains concepts ou de certains modèles, comme la rationalité. Celle-ci est une compétence indispensable, elle ne se place pas au dessus des autres. Wilber fait régulièrement l’auto-critique poussée de son travail, ce qui le conduit généralement à un nouveau trans-paradigme plus vaste.

         Le livre traite donc des quatre premières périodes de Ken Wilber :

         Wilber 1 : c’est la première tentative d’intégration de la psychologie, de la psychothérapie et de la philosophie occidentales avec la psychologie et la philosophie orientales. Nous sommes proches d’une approche transpersonnelle, largement appuyée sur la psychologie des profondeurs, mais qui dérangera beaucoup le mouvement de la psychologie transpersonnelle.

         Wilber 2 : Wilber pressent « quelque chose de radicalement faux dans ce qu’il a écrit auparavant ». Il abandonne le modèle en spirale de la psychologie des profondeurs pour, selon Franck visser, « un processus fondamentalement spirituel au cours duquel la conscience devient plus claire et plus vaste, jusqu’à la fin ultime où elle peut s’unir à la dimension spirituelle (union jamais automatique toutefois) ». C’est le modèle de l’échelle.

         Wilber 3 : Ken Wilber passe d’un concept de développement relativement uniforme à un développement complexe selon plusieurs axes, intellectuel, spirituel, émotionnel, etc.

Wilber 4 : Avant cette période Ken Wilber vécut un drame personnel, la maladie et le décès de sa compagne, qui devait profondément modifier sa pensée. Il découvrit par exemple la nécessité de différencier l’expérience féminine et l’expérience masculine. Après cette période de crise profonde et de désespoir, ses travaux prirent une toute autre dimension. Il distingue une spiritualité ascendante, masculine et une spiritualité descendante, féminine. Son modèle se replace au coeur de la culture et de la société de manière plus affirmée. Le corps est davantage pris en compte. Son modèle des quatre quadrants se forge : « 1) l’intérieur-individuel (la perception subjective), 2) l’extérieur-individuel (le processus cérébral), 3) l’intérieur-collectif (la culture) et 4) l’extérieur-collectif (la société) ».

« Il est convaincu, dit l’auteur, que ces quatre quadrants doivent être reconnus comme les quatre éléments essentiels de n’importe quelle théorie intégrale de la conscience humaine. »

Il est trop tôt encore pour dire quelle sera la nature de l’influence de l’oeuvre de Ken Wilber, il est juste possible d’affirmer que cette influence sera considérable, elle l’est déjà dans de nombreux secteurs de recherches. Mais l’objectif est clairement de promouvoir une approche intégrée dans tous les domaines investis par l’être humain. Ce livre permet d’en mesurer tout l’intérêt.

Editions Almora, 51 rue Orfila, 75020 Paris.

 

Tag(s) : #Psychologie
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