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Comprendre la pensée du Bouddha par Alain Durel. Editions Les Deux Océans, Groupe Trédaniel, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

www.editions-tredaniel.com/

Notre vision du bouddhisme est généralement très déformée. D’une part, nous identifions ce courant avec le bouddhisme tibétain, en fait minoritaire, en raison de sa forte et visible présence obligée en Occident. D’autre part, nous ignorons l’enseignement du Bouddha historique tel que le canon pâli, le plus ancien recueil de textes bouddhistes, le préserve. L’étude du canon pâli laisse apparaître un bouddhisme bien différent de celui de nos représentations.

Alain Durel cherche à nous conduire vers cet enseignement dépouillé et à déconstruire nombre de préjugés et clichés qui éloignent du bouddhisme originel. Pour cela, il retourne aux sources les plus anciennes :

« Selon nous, la seule manière de savoir quelle était vraiment la pensée du Bouddha est d’aller à la source, c’est-à-dire aux textes les plus anciens. De l’immense littérature des écoles bouddhistes, le canon pâli est le plus ancien conservé dans son intégralité jusqu’à nos jours. Compilé oralement quelques années après la mort du Bouddha, il est le premier à avoir été mis par écrit sur l’île de Ceylan (Sri Lanka) au 1er siècle avant Jésus-Christ. Si le canon pâli n’est pas l’unique témoignage du bouddhisme primitif, il est en tout cas le seul qui nous soit parvenu dans sa totalité. S’adossant à cet outil irremplaçable, chaque chapitre de notre essai se donne pour tâche de déconstruire un préjugé ou une idée reçue sur le bouddhisme et, dans un mouvement, de dégager la pensée du Bouddha des scories de l’Histoire et des diverses traditions. »

Le projet est particulièrement ambitieux et tout autant nécessaire tant le bouddhisme, en ses diverses manifestations, comme d’autres courants, se dilue dans les périphéries des commentaires et appropriations jusqu’à perdre son essence. Trois temps ou trois mouvements structurent l’ouvrage. La première partie traite ce que le bouddhisme n’est pas. La deuxième partie aborde la Voie du Bouddha, toute pragmatique, orientée vers la cessation de la souffrance. La troisième partie est consacrée à la finalité de cette voie, la libération et ses paradoxes apparents.

Dans la première partie, Alain Durel précise, entre autres, que le Bouddha rejette tout attachement aux dogmes, rites et rituels comme l’idée d’un Dieu créateur. Le bouddhisme primitif n’est pas pour autant un athéisme même s’il se garde de tout mysticisme. En comparant bouddhisme et hindouisme, souvent rapprochés, il apparaît au contraire de profondes différences. Ainsi, nous ne trouvons pas dans le bouddhisme le principe d’un Soi permanent, qui demeure. Souvent, le bouddhisme est perçu comme non-dualiste, ce qu’il n’est pas. En fait, l’enseignement du Bouddha n’est ni dualiste ni non-dualiste, ce n’est tout simplement pas le sujet. Son enseignement est totalement orienté vers la cessation de la souffrance qui commence avec la pleine reconnaissance de ce qui est là. Alain Durel prend soin de clarifier la question de la pleine conscience devenue malheureusement un juteux produit à la mode. L’un des grands intérêts de cette partie est de mettre en évidence les mécanismes et la toxicité du désir mimétique ou de la réplication.

Dans la deuxième partie, c’est le Noble sentier octuple qui est présenté, bien connu, souvent bien mal connu, et son intrication avec les Quatre nobles vérités. L’ensemble forme une unité qui se réalise par la pratique et la compréhension et demande une validation : « Pour considérer le Noble sentier octuple comme un véhicule de libération efficace, nous devons le tester en fonction de nos trois critères : examiner le récit du Bouddha sur l’étendue de la souffrance, son analyse de ses causes, et le programme qu’il propose comme remède. »

La troisième partie, sur la libération, est sans doute celle qui met le plus en avant l’originalité, la singularité de la pensée du Bouddha. Sa stratégie du non-soi fait apparaître immédiatement des contradictions quant à la libération ? Qu’est-ce qui alors se libère ? Et de quoi se libérer ? La stratégie pédagogique du Bouddha laisse des questions de côté, considérées comme hors-sujet. Ces questions sont pour la plupart constitutives des grandes métaphysiques. Nous avons bien « affaire » à une pragmatique de libération qui conduit à une non-saisie avec, la aussi, nombre de distorsions, par exemple sue la nature du vide. Cette dernière partie est sans doute la plus difficile en raison de la nature du sujet qui ne se laisse pas inscrire dans les mots.

Ce livre est non seulement une contribution importante à la compréhension de ce qu’est et n’est pas le bouddhisme des origines, il est aussi une opportunité de « saisir » le sens de cette incitation permanente du Bouddha à « voir ».

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