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Le temps de la bonté. Le Livre de Tobit. Editions du Cerf, 24 rue des Tanneries, 75013 Paris.

www.editionsducerf.fr/

Jacqueline Kelen continue de tisser une merveilleuse tapisserie littéraire en explorant mythes et mythèmes pour révéler les voies d’éveil. Elle nous conduit une fois de plus, par des chemins différents, dans les mythes bibliques, mettant en évidence des parcours initiatiques souvent ignorés. C’est encore le cas avec Le temps de la bonté. Le Livre de Tobit, publié aux Editions du Cerf.

Le Livre de Tobit (parfois connu comme Livre de Tobie) aurait été écrit, en araméen ou en hébreu, autour de l’an 200 avant l’ère chrétienne. Le texte, retrouvé seulement en langue grecque, existe en deux versions, l’une dite longue, l’autre, courte, très proches tant par les personnages, que par le contenu qui s’organise autour de la bonté, d’abord divine, puis humaine chez ceux qui veulent se « redresser ». En effet, Jacqueline Kelen voit en Tobit, le père et Tobie, le fils, dont les noms débutent par la lettre tov en hébreu, qui signifie « bon », le « vieil homme » et le « nouvel homme » qui typifient le processus initiatique.

Le texte fut déclaré canonique par l’Eglise de Rome comme dans l’Eglise orthodoxe mais écarté par la tradition protestante et la tradition juive. Le récit mêle les personnages du quotidien aux anges et démons. La magie et le surnaturel ne sont pas absents. Il y a bien une porosité entre le visible et l’invisible. L’histoire est assez banale en apparence, exceptionnelle par sa profondeur, avec son lot d’épreuves et d’obstacles, les rencontres, les visions, les découvertes, l’amour et finalement l’accomplissement.

« Le Livre de Tobit, nous dit Jacqueline Kelen, n’est ni une histoire charmante, ni une fable morale, ni un conte enchanteur, ni un écrit d’origine chrétienne. Il ne s’agit pas d’une fiction, d’un récit imaginaire, mais d’une histoire spirituelle réelle qui évoque la transformation intérieure, la régénération spirituelle de l’homme dans sa condition terrestre, depuis l’homme charnel jusqu’à l’être de lumière. »

Evitant le piège de la psychologie et de la psychanalyse qui réduisent les possibilités du mythe, Jacqueline Kelen éclaire les divers épisodes de l’histoire de Tobit, Tobie et Sarah, destinée à devenir l’épouse du fils, dans une perspective uniquement initiatique.

« Dès lors, l’interprétation du Livre de Tobit, loin de ramener à des considérations terrestres, familiales, sociales, se doit au contraire de résonner avec le monde supérieur. Les événements censés se dérouler sur terre, à Ninive, à Ectabane, dans un temps donné, évoquent les aventures de l’Âme, depuis son exil, jusqu’à son illumination et sa délivrance. »

Jacqueline Kelen extrait l’intemporel de la temporalité, le principe de la forme, pour rendre le récit opératif dans un souci permanent d’axialisation et d’éthique. Si nous rencontrons dans ce texte la thèse traditionnelle de l’ange-gardien, c’est l’inconditionnalité de Tobit, la permanence de ce qu’il est malgré les épreuves terribles qu’il traverse, la permanence de la bonté, qu’il transmet à son fils, Tobie, qui constituent la trame du processus initiatique jusqu’à l’affirmation de l’homme juste, le tsadik. La bonté est ici une manière de se souvenir de Dieu et en même temps de sa véritable nature, divine.

« Le Livre de Tobit, écrit Jacqueline Kelen, nous fait remonter à la bonté inaugurale de la Création et nous ressouvenir de la beauté spirituelle accordée à l’être humain. Les différents personnages de l’histoire montrent que la pratique du bien, l’exercice constant de la bonté restaurent en l’homme l’Image divine inoubliable. Et ils affirment et proclament que « le Seigneur est bon » - le nom même que porte et mérite Tobie. »

L’essai de Jacqueline Kelen constitue un véritable guide spirituel. Les situations que vivent Tobit, Tobie et Sarah nous sont familières, ce sont celles que partagent les êtres humains. L’enseignement qui naît de chaque épisode permet de s’extirper des périphéries, des mouvements d’adhérence du moi, pour s’orienter vers la source et s’accomplir, réellement « vivant ». Ce chemin de retour, de réintégration, de ressouvenir, exprime l’essence du voyage initiatique, moins par une aventure extraordinaire que par la sacralisation de l’ordinaire.

 

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