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L’heure de la justice de Dieu par Jacqueline Kelen. Editions Salvator, 103 rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris.

www.editions-salvator.com

La question de la justice est la plus difficile qui soit. Nous aimerions tous la justice mais nous ne rencontrons en ce monde que la loi, et pas même la loi mais l’application de la loi et son cortège d’aléas. En ces temps mouvementés, la question ressurgit avec la prétention ici et là de savoir ce qui est juste, généralement contre l’autre.

Jacqueline Kelen nous convie à la justice à travers un magnifique personnage féminin de la Bible, Suzanne.

« La Bible, nous dit-elle, offre les exemples de foi et d’intégrité que sont, en particulier, Joseph fils de Jacob, Job, ou encore Tobit. Dans le récit attribué au prophète Daniel, le juste a visage féminin. Au centre de l’histoire dramatique se tient une femme au nom de fleur, Shoshana en hébreu, Suzanne dans sa traduction française. Ce nom désigne le lis à la blancheur éclatante et au parfum délicieux. Comme il advient souvent aux justes qui persistent en leur droiture, Suzanne se trouve en butte à la calomnie et à la persécution. »

Son aventure est très actuelle. Sa beauté attire la concupiscence de deux anciens, nommés juges, qui chercheront par chantage à la contraindre à céder à leurs désirs. Elle ne cède pas. Abusant de leur pouvoir, ils l’accusent alors d’adultère avec la complicité passive du plus grand nombre. Suzanne se retrouve seule. Elle se tourne vers Dieu. Un jeune homme, Daniel, inspiré de l’Esprit de Dieu, prend alors sa défense, confond les accusateurs et les fait condamner.

Le Livre de Suzanne est reconnu chez les catholiques et les orthodoxes. Le texte grec initial date du IIe siècle avant JC, il fut rattaché au livre de Daniel dont le nom signifie « Dieu juge ».

Jacqueline Keken nous plonge dans cette histoire porteuse de multiples enseignements à la première personne de tous les protagonistes. A travers ce « je », Suzanne, Hédias son père, Ioakim son époux, la mère, la petite servante, les deux anciens et Daniel nous parlent directement, mais aussi la foule, ce terrible « on ». Au centre, le désir, la cupidité, l’amour, la foi, l’intégrité, la justice et l’injustice… le jeu des conditionnements, les quêtes de liberté, les combats pour la vérité.

Avec Daniel, c’est la naissance du prophète qui nous est contée :

« L’invisible m’est familier. Est-ce extravagant de dire cela ? Bien sûr je n’en parle à personne, mais dans mes sommeils peuplés de songes et d’images fluides, un ange apparaît souvent. Il semble m’indiquer le sens clair et caché des choses. Je le sens également le jour, lorsque j’étudie et réfléchis profondément. C’est à lui que je dois, en dépit de mon jeune âge, la perception aiguë des événements et la compréhension aisée des langues étrangères qui ont cours à Babylone. Il est mon guide secret.

Un jour, peut-être, il m’ordonnera de faire entendre ma voix, non pour moi, mais pour témoigner de la puissance de Dieu. »

Nous savons l’importance de la prophétie de Daniel pour la tradition du Cinquième Empire. Grâce à la plume alerte et poétique de Jacqueline Kelen, à son érudition, à sa sagesse également, nous approchons avec Suzanne le moment fondateur du prophète en même temps que le drame de l’expérience humaine, sans cesse répété, est mis à nu dans un tableau d’une extrême lucidité.

Après la mise en scène soignée et profonde du drame, à la fois banal et unique, vécu par Suzanne, Jacqueline Kelen invite le lecteur à penser et se penser au regard de cette histoire qui, si elle finit bien, révèle tous les ressorts obscurs et inavoués qui nous habitent. Les personnages incarnent des forces archétypales qui, selon l’orientation donnée, révèlent ou avilissent.

« La plupart des humains, dit-elle, se montrent si peureux, si pusillanimes, et surtout si préoccupés d’eux-mêmes, que le juste n’a rien à attendre d’eux. Seul, sur terre, un autre juste, un être spirituel ou inspiré par l’Esprit, est apte à l’entendre, à le comprendre et à secourir son âme. »

Davantage qu’un épisode singulier, l’histoire de Suzanne nous enseigne le jeu archaïque pouvoir-territoire-reproduction qui règne dans la dualité. Comment les peuples sont soumis et humiliés. Comment le corps des femmes est fait objet. Comment la corruption détruit les institutions. Comment le maintien de son intégrité spirituelle dans une adversité totale est ardu. Qu’est-ce donc que la justice ? Comment peut-elle s’exercer dans ces conditions ?

« Les questions qui se posent au sujet de la justice, qu’elle soit d’ordre supérieur ou bien humaine, sont intemporelles, observe Jacqueline Kelen. Toute société a besoin de lois, d’institutions, et de magistrats pour assurer ordre, cohésion et une certaine paix, pour limiter le mal à défaut de pouvoir le supprimer, pour permettre de vivre avec autrui, pour rappeler aussi ce qui est juste, ce qui concourt au bien. Au nom du droit et de la justice, des procès ont lieu, avec jugement, verdict, sanction, réparation ou acquittement. Dans tous les domaines, du simple litige au crime perpétré. C’est une institution, une réalité indispensable en toute société et sous tous les climats. Mais la justice est tout autant un besoin fondamental de l’être humain qui a soif de rectitude et de vérité, qui demande respect et équité pour chacun. Qui donc en ce monde peut être garant de la Justice, qui peut être absolument sûr de la proclamer, de l’incarner ? Et, de nos jours, est-il envisageable de se référer à une Justice supérieure, qu’elle soit celle invoquée par Antigone au nom des lois écrites dans le ciel, ou qu’elle exprime la voix transcendante de Dieu ? Dans l’apologue de Suzanne rattaché au Livre de Daniel, aucun doute n’est possible : seul Dieu, le Dieu Un, est Justice. »

Chaque ouvrage de Jacqueline Kelen ouvre l’esprit, sans compromis, avec une intransigeance bienveillante, ouvre l’esprit et oriente vers l’Esprit.

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