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Frédéric Tison, la voix derrière la voix par Claire Boitel. Editions Petra, 12 rue de la Réunion, 75020 Paris.

https://www.editionspetra.fr/

Cet essai critique n’est pas seulement une analyse brillante de l’œuvre de Frédéric Tison, c’est aussi la rencontre entre deux auteurs, deux poètes. Frédéric Tison est un poète désormais connu pour son talent et l’intensité de son œuvre, et reconnu par divers prix dont le Prix Aliénor en 2016 pour Le Dieu des portes. Claire Boitel est également l’auteure d’une œuvre particulièrement remarquable. Elle exerce de plus la fonction de critique littéraire dans diverses revues spécialisées. C’est une rencontre rare.

Pour son voyage, critique et enchanté, dans le monde de Frédéric Tison, Claire Boitel a retenu six ouvrages de l’auteur, tous publiés par la Librairie-Galerie Racine :  Les ailes basses (2010), Les effigies (2013), Le Dieu des portes (2016), Aphélie suivi de Noctifer (2018), La Table d’attente (2021), et Nuages rois (2021).

L’analyse précise des textes permet sans aucun doute de mettre en évidence la maîtrise technique et les méthodes de l’auteur, mais elle révèle avant tout une pensée profonde et une pensée de la profondeur. Jeux de miroirs, énantiodromies, cascades de sens, glissements de mythèmes, signes et accords, hallucinations et réenchantement, morcellements et union, existence et essence… Nous retrouvons toute cette richesse dans l’œuvre de Frédéric Tison. Temps, espace, mémoire, langue… la langue surtout, au service d’un regard qui sait se baigner dans la forme comme la traverser dans un élan parfois désespéré, très souvent salutaire.

« Ne jamais s’abîmer gratuitement dans une contemplation, remarque Claire Boitel, aspirer le suc de l’objet contemplé, le vampiriser, l’annexer au grand tout de soi-même, se grandir, devenir immense, devenir dieu par l’autre, par tous les autres, humains et paysages. Bâtir son œuvre à partir de succions merveilleuses, de cadavres miroitants – miroirs en état de résurrection permanente.

Se rassurer sur sa propre existence, qui ne cesse de s’envoler comme un oiseau.

De là, dans la poésie de Tison, ce narcissisme en état d’apesanteur, ce moi montant et dégringolant les marches de l’air, cette évanescence d’un moi pourtant omniprésent. »

Il n’y a pas seulement « la voix derrière la voix » mais aussi une voie qui naît d’une vision. Claire Boitel distingue un processus qui peu à peu se perd, avec naturel, dans la beauté. En conversant avec Frédéric Tison, plutôt qu’en dialoguant, Claire Boitel respire avec lui, saisit le mouvement qui tend vers l’un en enjambant les fissures, parfois les gouffres que tout poète, aussi prophète, signale au passant ordinaire.

« Tison, dit-elle, a un alambic pour donner – redonner ? – à la réalité la beauté – son âge d’or ? dans la plus grande humilité, celle du passeur en état d’éveil :

« Je suis ici le rythme et l’élan d’un autre vent, d’un autre chant, d’un autre temps. ». »

Il y a chez Frédéric Tison une mystique de la Beauté, une alchimie du Réel. Ce n’est pas seulement la beauté des mots qui fait le jeu du mystère d’une révélation, c’est la Beauté même du Réel qui se fraie un passage entre les mots, dans le miroir des sons, pour illuminer le quotidien, matière même de l’œuvre poétique.

Claire Boitel, funambule au-dessus du vide, accomplit une véritable performance. Elle réalise avec grâce l’équilibre, très improbable, entre didactique, exégèse et amour de la Poésie.

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