Paroles de Franc-maçon

Paroles de Franc-maçon de Charles B. Jameux. Editions Le compas dans l’œil.

https://www.lecompasdansloeil.org/

L’initiation est toujours libertaire, ce que beaucoup de chercheurs oublient. Ces « Mémoires maçonniques et libertaires » sont une occasion de nous rappeler ce qui devrait être une évidence.

Charles B. Jameux a déjà écrit sur le symbolisme maçonnique et fut rédacteur en chef de la revue trimestrielle de la Grande Loge de France Points de vue initiatique. Sa démarche se situe à la croisée des avant-gardes, notamment le surréalisme, et des traditions initiatiques.

C’est un livre de témoignage du parcours, personnel, philosophique, poétique et initiatique, de l’auteur mais aussi un appel à l’engagement et au réenchantement lucide du monde.

« L’homme, dit-il, est un projet certes, mais il ne peut pourtant pas pour autant balayer d’un revers agacé de sa conscience les faits de son histoire, dès lors que ceux-ci se sont avérés rétrospectivement être à la hauteur de ses ambitions premières. L’enjeu en est l’Esprit. »

Voici posé le principe et la tenue de cette transmission : l’Esprit. Cette volonté, cette nécessité de transmission anime particulièrement le premier des cinq textes de ce livre, Poème à mon fils, une lettre ouverte dans laquelle il expose ses « convictions personnelles, philosophiques et poétiques ». « J’ai fait également vois-tu la part des hommes et des idées. » lui écrit-il pour l’introduire aux valeurs de la liberté. Résolument non-conformiste, plein de nuances, de doutes créateurs, d’ouvertures, de désirs et de joies, c’est une incitation au voyage et à l’émerveillement de la vie.

Le deuxième texte est de facture plus classique et traite de l’initiation, de ses matières, de ses disciplines, de ses outils, de ses méthodes. Pour cela, il met en avant les vertus d’un ésotérisme raisonné, de l’hermétisme, des mystères enfin et des connaissances voilées qu’ils délivrent.

« Or, dit-il, ces connaissances, bien qu’éparses, ont pourtant entre elles un ensemble de caractères et de points qui leur sont absolument communs : entre autres, elles témoignent toutes de l’Unité profonde de la Connaissance – et non d’antinomies ; elles témoignent, au-delà du chaos apparent du monde, de l’Harmonie cachée qui le sous-tend par le moyen des Lois immuables de correspondance existant entre ces parties. »

Les troisième et quatrième textes sont issus de conférences données par Charles B. Jameux à un public non-maçon mais, évitant le jargon maçonnique comme les présentations banales, de surface, habituels dans ce type de rencontre, il cherche à orienter vers l’essentiel en puisant dans les références littéraires et philosophiques partagées par le plus grand nombre, dont Montaigne qui hante avec bonheur et discrétion l’ensemble du livre. Les deux sujets choisis sont « Perfectibilité maçonnique et spiritualité » puis « L’œuvre accomplie par la Parole perdue », deux thèmes qui sont au fondement et à la réalisation du cheminement maçonnique. Ils ne concernent pas seulement les « profanes » auxquels il s’adresse mais tout individu en quête que celle-ci soit initiatique, poétique, artisanale ou autre.

Le dernier texte aborde le sujet « Anarchisme, surréalisme et Franc-maçonnerie ». Il fut rédigé à l’occasion de la commémoration du grand libertaire espagnol Francisco Ferrer (1859-1909). A travers l’histoire, relativement récente de ces trois courants, anarchisme, surréalisme et Franc-maçonnerie, c’est vers une restauration de l’utopie qu’il nous conduit, utopie comme opérateur de changements favorables pour le plus grand nombre, autour du vecteur central de la liberté.

C’est « un beau livre ». En ce sens, il oriente le lecteur vers ce pôle de joie, si important pour Spinoza, sans lequel nulle créativité, nulle fraternité ne peut se déployer.