Trois pas vers l’infini, l’Initiation écossaise de Claude Guérillot, Editions Dervy.
C’est toujours avec un profond intérêt que nous nous tournons vers les travaux de Claude Guérillot qui sait allier la rigueur de pensée et la profondeur spirituelle. Ce nouvel essai consacré à la synthèse écossaise des 33 degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté est présenté, avec discrétion, par Claude Guérillot comme son « testament maçonnique ». Nombre de livres prétendus « testaments maçonniques » n’ont d’intérêt initiatique que pour l’auteur, ce n’est pas le cas ici, Claude Guérillot, par son expérience initiatique et spirituelle, par sa capacité d’analyse et de conceptualisation, a un leg à transmettre, porteur d’une élévation spirituelle.
Débarrassé de la langue de bois maçonnique, si fréquemment utilisée dans les loges pour masquer l’absence de praxis, le propos de Claude Guérillot met en perspective initiatique les 33 degrés du REAA, donnant accès à cet ésotérisme qui lui confère son sens traditionnel opératif. A travers son propre parcours initiatique, Claude Guérillot met en évidence les clés opératives d’un rite qui a su établir sa propre cohérence à travers la pratique de plusieurs générations de maçons.
Se référant à Plotin, Claude Guérillot voit le procès initiatique comme le passage de « l’homme charnel » à « l’homme psychique » puis de l’homme psychique à « l’homme spirituel ». Les trois pas de l’apprenti correspondent ainsi à trois états de l’homme, trois dimensions, celle de l’apprendre, celle de l’aimer, celle de l’agir. Cette « promotion humaine » en 33 degrés est une « promotion de l’individu en soi, de sa richesse intérieure, de son harmonie, et de sa sagesse ». Claude Guérillot voit dans ses 33 degrés une continuité mystérique à travers « une suite ordonnée de rituels » qui conduit au simple, à la solitude sacrée et au silence.
Claude Guérillot parcourt l’échelle avec le lecteur, insistant sur les rituels les plus importants sur le plan opératif comme par exemple le Chevalier du Soleil, ou le Chevalier Kadosh qui exige une analyse différenciée afin de l’extraire de ses déviations. Il prend aussi le temps de penser « la Loi d’amour » des degrés johannites, en agapè, philia et éros. En post-face, ce qui est significatif, il introduit les degrés ultimes pour « détruire la légende de la viduité initiatique de ces degrés et, par voie de conséquence, d’inciter chacun à se montrer digne d’y être un jour appelé. ».
Au terme de ce voyage initiatique par les mots, véhicules du silence, il conclut ainsi :
« Le Rite Ecossais Ancien et Accepté n’a jamais présenté ses légendes et ses mythes comme des réalités historiques dont on devait accepter l’authenticité. Il est ordonné selon les "trois pas de l’Apprenti" dans une progression qui permet à l’homme "charnel" d’apprendre à se connaître et d’apprendre à connaître l’Autre et d’accéder ainsi au niveau "psychique". Les cérémonials d’intronisation n’étant surtout pas des sacrements, ce qu’ils peuvent avoir d’irrationnel ne choque pas les récipiendaires, qui sont amenés à "chercher l’idée derrière le symbole". Et, à force de "chercher l’idée", ils finissent par trouver Dieu, qui s’impose d’abord à eux comme le "Tout Autre" et qui se révèle ensuite être le "Tout Proche". Alors, ce "Dieu inconnu" deviendra pour eux Adonaï, la Très Sainte Trinité ou Allah. Et leur foi sera d’autant plus ferme qu’ils respecteront celle de l’Autre, du Frère. Certains fronceront les sourcils, reniflant un "relativisme" ou un "syncrétisme". Ils auront tort, n’ayant pas compris la parole du Christ 10.16 J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là, il faut que Je les amène ; elles entendront Ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger. »
Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.