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Los Angeles, tragédie de Jean Hautepierre. Editions de L’œil du Sphinx, 36-42 rue de la Villette, 75019 Paris – France.

www.oeildusphinx.com

Chaque écrit de Jean Hautepierre est un joyau ciselé avec soin afin d’éclairer les angles sombres de l’expérience humaine. Cette tragédie contemporaine en vers est, une fois de plus, une performance littéraire.

Si Los Angeles est le cadre choisi pour cette tragédie fantastique qui se déroule en 2019, ce n’est pas la cité des anges d’aujourd’hui :

« Il est, précise l’auteur, la Cité des démons et des anges telle qu’elle aurait existé si la civilisation américaine avait évolué différemment prolongeant l’entre-deux-guerres par un nouvel âge d’or artistique et littéraire – donc architectural et sculptural, comme les didascalies le suggèrent ici de façon assez explicite. »

Tout comme Eliphas Lévi, qu’il évoque dans son avant-propos, Jean Hautepierre ne croit pas à l’Enfer éternel mais il a retenu cette croyance, qui nourrit encore bien des imaginaires, pour servir sa tragédie.

Stello, le personnage central est un homme apparemment ordinaire, disons plus qu’ordinaire car il s’engage bel et bien sur la voie magique des héros, affrontant seul les puissances de l’Enfer et du Ciel. Jean Hautepierre nous le décrit « presque arrivé à l’aboutissement du Grand-Œuvre, presque éveillé, ayant presque atteint les sommets de la supraconscience ». Ce presque nous rappelle l’intervalle entre la réalisation et son idéal chez Giacometti ou Beckett, « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux ». C’est dans cet intervalle, faille par laquelle échapper au destin, que se trouve la voie, c’est dans ce presque que réside la tragédie mais aussi la liberté.

 

« Car dans le tourbillon sans fin de la Fortune,

Dévorant tout sous les feux pâles de la lune,

Je vois non le hasard mais le fatal tourment

Régner sur l’univers par tout le firmament

– Mais s’effacer le temps d’un souffle, quand une âme

Exalte à travers tout son immortelle flamme,

Fléchissant le Destin aux millions de clartés

De sa terrible, fière et haute volonté. »

 

Satan, l’évaluateur, face à la volonté, au courage, de Stello, propose l’ultime problème que chaque auteur se confrontant au dilemme faustien envisage différemment :

 

« Ton âme m’appartient. Mais je sais ton mérite,

Toute l’immensité des maux que tu m’évites,

Et je veux, pour qu’on clame à l’autre bout des temps

La magnanimité du Seigneur des gisants,

Avant qu’à ton trépas mes griffes ne t’enlacent,

T’accorder le répit d’une dernière grâce :

A mon retour, Stello, tu me diras quel vœu

Peut rendre tes instants ultimes plus heureux. »

 

Avant cela, Stello aura traversé bien des états obscurs et, avec lui, le monde. Le sublime vient traverser parfois le démoniaque et illustrer l’adage qui veut que là où il y a un vouloir, il y a une voie. Le chœur des Anges nous enseigne :

 

« Seuls passent les portes des Cieux ceux qui vont plus loin que leur être,

Plus loin même que leur salut le jour où tout doit disparaître,

Et toujours prêts à s’élancer à l’assaut de la vie sans peur

Font résonner à travers tout le grand galop de leur ardeur ! »

 

La tragédie initiatique de Jean Hautepierre mérite non pas une lecture mais plusieurs. C’est peu à peu, étrangement même, que la poésie se dénude pour laisser la parole inhabituelle s’inscrire dans la conscience.

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