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Dictionnaire comparatif C.G. Jung et la Franc-maçonnerie de Jean-Luc Maxence, Editions Dervy.

Voici une tentative très intéressante de Jean-Luc Maxence de traiter de la fonction thérapeutique, réelle ou supposée, de la Franc-maçonnerie.

Nous avons à maintes reprises mis en garde contre la tentation psychanalytique de certains Francs-maçons qui souhaite redonner du contenu à la Franc-maçonnerie, en trouvant dans cette discipline ce qui lui manque par défaut de praxis traditionnelle. Nous avons aussi spécifié que la fonction initiatique ne peut se déployer que hors de tout besoin thérapeutique et que la loge ne devrait pas être un espace thérapeutique.

Le cas de Jung, qui est allé bien au-delà des propositions parfois étriquées de Freud, doit toutefois être différencié de cette appréciation, notamment en raison des appartenances initiatiques de ce père de la psychanalyse, appartenances qui finiront pas être officialisées au grand jour. Le processus d’individuation, tel qu’étudié par Jung, fait partie du processus initiatique. Faut-il pour autant en appeler à une « maçonnerie jungienne » comme le fait Jean-Luc Maxence ? Peut-être pas, même si Jung pourrait se révéler un formidable vecteur de retour à la tradition au sein d’une Franc-maçonnerie sans âme, devenue stérile.

Le dictionnaire commence par le mot Abraxas. Un livre entier pourrait être consacré à ce mot et au texte de Jung qui justifie sa place en ouverture, Les sept sermons aux morts, dont la fonction opérative est semblable à celle du Livre des morts égyptiens. Dans ce texte, remarquable, qui puise dans les sources gnostiques familières à Jung, souvenons-nous de Aïon, Jung décrit de manière dense et précise le cheminement de la dualité de l’homme à la non-dualité de l’Abraxas, le dieu caché. Jean-Luc Maxence esquisse un parallèle entre l’Abraxas et le Grand Architecte de l’Univers, parallèle tout à fait pertinent mais dont les conséquences pour la Franc-maçonnerie, conséquences bouleversantes, ne sont pas ici traitées.

Jean-Luc Maxence, par le mot à mot choisi de ce dictionnaire, dessine une possible opérativité maçonnique, nourrie de Jung, mais pas seulement, puisqu’à travers ses travaux, Jung renvoie l’étudiant à des points essentiels du monde traditionnel, que ce soit par son intérêt pour Le Mystère de la Fleur d’Or, un classique des alchimies internes, son intérêt pour la kabbale, l’hermétisme du Tarot ou les textes alchimiques. Jung, bien que disciple de Freud, au moins jusqu’à la rupture consommée semble moins psychanalyste qu’ésotériste, tout comme Lacan est bien davantage un existentialiste qu’un psychanalyste. D’ailleurs, tout ce pan traditionnel, si riche de l’œuvre jungienne, gène nombre de psychanalystes jungiens qui cherchent une caution universitaire tout à fait illusoire.

Sur un point essentiel, laissons la parole à l’auteur :

« C.G Jung appelle le Soi un centre idéal, « équidistant entre le moi et l’inconscient » (selon son entretien avec Miguel Serrano de 1959).  Il précise aussi que ce Soi « équivaut probablement à l’expression naturelle maximum de l’individualité au stade d’accomplissement ou de totalité ». Ce concept jungien du Soi n’est point entièrement compréhensible par l’intellect. Il marque une sorte de capitulation de l’ego, correspond à une unification des antinomies, et trouve ses plus justes expressions grâce à des symboles souvent spontanés. Pour la clinique des profondeurs, l’approche du Soi est un objectif majeur et permanent de tout itinéraire de vie. (…)

Dans la pratique de l’art royal, le personnage légendaire de maître Hiram est souvent perçu comme indéniablement christique, et l’on pourrait aisément, en suivant à la trace l’idée jungienne esquissée plus haut, amplifier sans mal l’analogie entre le Soi et Hiram. Hiram deviendrait alors le Soi du Franc-maçon en marche, si l’on ose dire. Chaque maître maçon, en effet, est l’Hiram substitué qui prolonge le maître architecte du temple de Salomon dont la parole a été perdue… Autrement dit, le Soi de l’initié est comme endormi et il s’agit de le réveiller sans relâche. L’initiation maçonnique qui a un départ (la cérémonie qui fait du profane un apprenti) mais ne finit peut-être jamais (sauf à l’orient éternel ?), ne constitue pas un parcours de transformation personnelle visant à tout prix un individualiste hors pair, mais elle est une fois de plus comparable au processus d’individuation de la psychologie des profondeurs.

Tout frère, embarqué dans sa quête sacré, s’efforce toujours d’approcher au plus proche le Soi, sachant qu’il ne l’atteindra sans doute jamais, de son vivant tout au moins. »

Souhaitons que ce dictionnaire, utile et agréable à lire, contribue à réveiller les endormis.

Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

Tag(s) : #Tradition
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