L’œuvre d’Hugo Pratt apparaît de plus en plus comme une œuvre pertinente dans laquelle Hugo Pratt a laissé bien des pistes pour qui veut s’aventurer sur les sentiers inconnus de l’esprit libre.
La lecture des B.D., des romans et des films qui en ont été tirés constitue une déambulation labyrinthique dont la seule finalité est le lecteur lui-même, Corto-Maltese de sa propre vie.
Le livre de Jean-Claude Guilbert, ami et compagnon d’aventure de Pratt, Hugo Pratt, la traversée du labyrinthe, publié aux Presses de la Renaissance, constitue à la fois une biographie originale du créateur mystérieux de Corto et un bel hommage à l’ami.
Toujours, quand on parle de Pratt ou de Corto, le qualificatif d’initiatique apparaît. Jean-Claude Guilbert a construit son livre comme un « voyage initiatique en cinq étapes » où l’imaginaire se mêle au réel. Corto Maltese, l’alter ego d’Hugo Pratt, hante bien évidemment les pages de cette biographie riche et amoureuse dans laquelle, le jeu, le mythe, la poésie, l’histoire, la transgression respectueuse, l’élégance, l’amitié, plus que l’amour, s’imposent au premier plan d’une quête qui tantôt s’affirme comme telle, tantôt se nie, pour mieux se préserver.
Comme Corto, Pratt n’a eu de cesse que de défier la mort pour mieux l’apprivoiser et s’en faire une compagne, à la fois fille de joie, muse et initiatrice.
Jean-Claude Guilbert rapporte dans ces pages nombre de propos d’Hugo Pratt, extraits de conversations dans lesquelles l’amitié ouvre les portes de la profondeur du cœur, qui placent son œuvre en perspective. Hugo Pratt fut totalement animé par l’esprit indéfectible de la quête. En cela, son personnage, Corto Maltese, tout comme le Don Quichotte de Cervantès, est un passeur. Au lecteur de savoir le suivre.
« Je ne m’interroge pas sur Dieu, explique Hugo Pratt, mais sur les hommes. D’où mon intérêt pour les mythes, à travers lesquels les hommes essaient de comprendre, de donner un sens à leur situation dans l’univers. Ma passion pour les mythes sur nos origines traduit sans doute une préoccupation métaphysique, mais qui s’exprime à partir de l’homme. Je ne me pose pas le problème de Dieu, mais de l’homme, et je crois en l’Homme. »
« Je suis à la recherche de la vérité, mais je sais que je ne l’atteindrai jamais complètement. Si un jour je pensais y être parvenu, je devrais me dire que ce n’est pas possible, que quelque chose a dû m’échapper et que je dois partir à sa poursuite. Toute personne qui croit détenir la vérité est potentiellement dangereuse – et c’est la raison principale pour laquelle je me méfie de tous ceux qui professent une religion. En ce qui me concerne, je ne croirai jamais avoir atteint la vérité, ni même ma vérité. La vérité est insaisissable, on ne peut qu’espérer s’en approcher. Tel est mon propre dogme. Si j’ai une religion, c’est celle de la recherche, de la recherche qui tend vers la Vérité. »
Hugo Pratt avait compris que ce n’est pas l’objet de la quête qui importe mais la quête elle-même qui est son propre objet, sa propre finalité, son propre sens.
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