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Le grade maçonnique de Rose-Croix. Le secret des images par Dominique Jardin. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
Dans les échelles de grades maçonniques, ce n’est souvent pas le dernier grade qui est le plus important. Certains grades clés constituent le cœur de certains rites sans en être le terminal apparent, c’est le cas du grade maçonnique de Rose-Croix en différents rites qui l’accueillent.
Une nouvelle fois, Dominique Jardin nous offre un essai profond sur un aspect essentiel de l’héritage maçonnique. Il a choisi le chemin des images, ce grade en a suscité beaucoup, qui permettent de s’extraire des discours convenus ou contraints pour explorer des recoins où se cachent des trésors symboliques, philosophiques ou théosophiques.
« Chaque image étant une sorte de fenêtre sur un enseignement allégorique ou ésotérique (…), note Pierre Mollier en préface, l’iconographie, met en lumière des connexions qui échappaient à l’analyse des textes. »
Ce grade, profondément chrétien, qui autorise une lecture alchimique légitime, fut sécularisé de la fin du XIIIe siècle au XXe siècle, générant des interprétations diverses et parfois contradictoires. L’étude des images, moins annexés par les uns et les autres que les mots du rituel, permet une autre lecture du grade.
Dominique Jardin aborde tout d’abord longuement la question des origines du grade à partir de l’iconographie proto-Rose-Croix. Il met en garde le lecteur contre des confusions courantes :
« Afin d’éviter toute ambiguïté, il ne faut pas confondre le grade maçonnique de Rose-Croix et le rosicrucisme « historique » du XVIIe siècle qui « gère » les Rose-Croix en dehors du champ maçonnique. Il ne faut pas non plus assimiler, comme l’ont fait certains auteurs, le grade de Chevalier Rose-Croix et celui de Chevalier de l’Aigle Noir (alchimique) ou encore celui d’Hérédom de Kilwinning avec le grade du Rite de Perfection qui va devenir le Rite Ecossais Ancien et Accepté. En Allemagne, une véritable somme rosicrucienne et alchimique se trouve en effet transposée dans le grade de Chevalier de l’Aigle Noir, Rose-Croix Allemand (à Metz, Marseille, Lyon) au milieu du XVIIIe siècle et plus tard dans l’ordre de la Rose-Croix d’Or. »
Dominique Jardin examine « l’hypothèse et l’argumentation d’une lecture alchimique précoce » en repérant les nombreux dépôts traditionnels auxquels se réfère le corpus maçonnique, avec cette ambivalence :
« On peut se demander si selon les époques, l’alchimie ne serait pas un vecteur de christianisation de certains hauts grades, dont celui de Chevalier Rose-Croix, ou, au contraire, une voie privilégiée de déchristianisation, via l’importance conférée explicitement à la Nature dans les lectures de ce grade dès la fin du XVIIIe siècle. »
La deuxième partie de l’ouvrage traite de l’initiation au grade de Chevalier Rose-Croix dans sa construction en trois appartements, transposition de la passion du Christ, jusqu’à la Cène, construction qui fait appel à l’Art de la mémoire. L’iconographie rassemblée, tout à fait remarquable, met en avant la dimension sacerdotale du grade.
La troisième partie propose un voyage dans les motifs symboliques du grade de Chevalier Rose-Croix : la pierre, la rose, le pélican, l’aigle et l’ouroboros, le phénix, INRI, la croix et la parole retrouvée. Si nous retrouvons dans ces motifs les trois règnes, minéral, végétal, animal, la finalité du grade reste la parole retrouvée, passant par INRI, une constante dans tous les rituels.
Si les textes des rituels ont souvent profondément évolué, égarant parfois leur fondements traditionnels, la stabilité des images au fil des décennies a permis de maintenir le dépôt traditionnel.
« L’histoire nous montre, conclut Dominique Jardin, qu’il y a plusieurs lectures possibles du Rose-Croix, plus ou moins emboîtées mais rarement exclusives les unes des autres. »
Dominique Jardin ne se contente pas de nous introduire aux subtilités du grade en ses diverses dimensions traditionnelles, il nous transmet aussi une méthode aussi pertinente que passionnante.