Les premiers hauts grades écossais. L’énigme des origines (1730-1800) de Roger Dachez & Johon Belton. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.
La recherche historique ne cesse d’approfondir ses sujets et de faire évoluer ses méthodologies, en revenant aux sources, toujours, mais aussi en renouvelant les regards et les interprétations des documents.
Roger Dachez et John Belton, deux historiens majeurs de la Franc-maçonnerie, ont, par-delà La Manche, uni leurs talents respectifs pour ouvrir ensemble un nouveau chapitre de connaissance sur la formation du grade de Maître vers 1725, qui peut être considéré comme le premier des hauts grades. Il s’agit d’une véritable enquête approfondie à partir d’une collection d’archives tout à fait exceptionnelle, dont des documents issus des archives russes revenues à l’Ouest en 2000, rassemblée par les auteurs au service d’une approche qualifiée, de façon très pertinente, d’holistique et forensique. Une vision plus large que les visions habituelles très ciblées des auteurs du domaine, une investigation sans préjugés, ouverte, acceptant désaccords et contestations, font de ce livre un marqueur d’une évolution de la recherche maçonnique.
« Ce livre n’est pas, insistent-ils, et ne peut vraiment pas être, un récit historique classique, séquentiel et continu. Il reproduit la progression de nos recherches et ce qu’il essaie de faire, c’est de peindre des images qui illustrent des événements et des échanges restés largement inaperçus. »
Cette nouvelle approche des sources modifie l’apport informationnel à la recherche. Des « vérités » historiques tombent ou prennent un tout autre sens dans un panorama élargi. Des faits non exploités trouvent leur place dans un ensemble. Des problèmes sont résolus, des points son clarifiés et de nouvelles questions sont posées.
Roger Dachez et John Belton commencent leurs investigations avec la publication en 1730 de Masonry Dissected, qui divulgue pour la première fois le troisième grade. Ils examinent « les grades et les développements qui ont suivi, incluant les Harodim, les Ecossais, l’Arc Royal et les Templiers », dont la réception diffère selon les pays. Ces grades supérieurs ne sont pas examinés, comme c’est souvent le cas, dans le cadre de l’échelle de grade du Rite Ecossais Ancien et Accepté car celle-ci ne s’organise qu’à partir de 1800.
« Ce livre, écrivent les auteurs, part donc de la thèse selon laquelle Masonry Dissected a déclenché la ruée des Francs-maçons vers les « grades supérieurs », de sorte qu’en fin de compte, vers la fin du XVIIIe siècle, seule la création d’une multiplicité de grandes structures a pu ramener l’ordre dans la Franc-maçonnerie. »
Ce besoin organisationnel fut à double tranchant. S’il permit une clarification souvent au service des Grandes Loges, il créa aussi des divisions, des tensions et des oublis.
Nos auteurs rendent compte de ce processus complexe et souvent contradictoire depuis 1730 jusqu’à 1800. Si le tableau n’est pas complet, reconnaissent-ils, il offre déjà une histoire très différente de celle communément admise et répétée et appelle à l’approfondissement de la recherche.
Le livre dit aussi autre chose. Il met en évidence comment des rencontres, parfois de hasard, des volontés affirmées, des passions, des analyses distanciées, des projets opposés ou au contraire convergents d’individus ou de petits groupes, se sont conjugués pour donner vie aux hauts grades, entre accidents et réalisations structurées.
Ainsi, l’investigation, car c’est bien de cela dont il s’agit, devient passionnante même pour ceux que l’histoire rebute, car elle associe le local et le global.