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La voie substituée de Jean Baylot. Préface de Michel Maffesoli. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

http://www.dervy-medicis.fr/

La réédition de cette « Recherche sur la déviation de la Franc-maçonnerie en France et en Europe » s’avère toujours aussi actuelle par les questions que pose Jean Baylot (1897-1976).

Dignitaire maçonnique et homme politique, Jean Baylot fut reçu au Grand-Orient de France en 1921, amorce d’une longue carrière. Il fut notamment Grand-maître adjoint dans les années 50. A plusieurs reprises, il dénonça ou s’opposa aux ingérences politiques au sein de la Franc-maçonnerie.

Dans sa préface, Michel Maffesoli rappelle les enjeux qu’il connaît bien :

« Des étudiants sous la Restauration » jusqu’à ce moment paroxystique que fut la Commune de 1871, l’auteur montre bien, pour reprendre ses propres termes, de quelle manière les « institutions maçonniques (ont été) transférées sur la voie substituée ». Et ce, notamment, en étant totalement indifférentes à la voie initiatique. En bannissant la spiritualité et en se voulant, uniquement, les instruments du progressisme au moyen d’un rationalisme triomphant, aux effets on ne peut plus pervers. Ce « politisme » aux multiples facettes oublie que la Franc-maçonnerie n’est pas une association, mais un Ordre. Ainsi que Jean Baylot le montre à de multiples reprises d’une manière des plus rigoureuses, on adhère à une institution associative, « on entre dans un Ordre ». Et l’on entre dans cet Ordre après avoir prêté serment, ce qui n’a rien à voir avec le militantisme matérialiste à prétention « scientiste » caractérisant les diverses expressions de ce qui est appelé dans ce livre le « charlatanisme politique ». »

Jean Baylot débute sa démonstration avec l’irruption sur la scène initiatique européenne de l’Ordre des Illuminés, dit Illuminés de Bavière, à la fin du XVIIIe siècle. Malgré la brièveté de l’action de cette organisation, son influence fut grande, à la fois par sa légende, dont nous mesurons aujourd’hui les effets néfastes et par les techniques de séduction que les Illuminés développèrent, autour d’Adam Weishaupt. Il poursuit avec les Philadelphes chez qui il décèle un projet politique avant de s’intéresser au Carbonarisme et à Filipo Michele Buonarroti.

Au fil de l’ouvrage et d’une matière dense, très référencée, Jean Baylot décrit le processus de désacralisation de la Franc-maçonnerie à travers trois mots éloquents : percée, envahissement, capture, trois temps d’une mises sous tutelle de la Franc-maçonnerie par l’intérêt politique.

De sa longue analyse, à la fois engagée et nuancée dans son jugement, il retient trois choses :

« Trois choses sont sûres :

L’effort humain vers la bonté ne sera jamais accompli par un formulaire de l’ordre social, en tout cas en faisant fi de la liberté de l’être.

L’enrichissement personnel ne dépend jamais du service anonyme et réglementé d’une machine collective.

Les hommes qui ont bâti les cathédrales ont pu, amalgamant le travail à l’amour, atteindre au sublime. Ils ne seront jamais dépassés. Ils ne seront même plus égalés.

Vivre à leur suite, dans leur cadre, en tâchant de retrouver leur âme, voilà ce que la Franc-maçonnerie propose. L’entreprise ne saurait se confondre avec les grégarismes précaires et brutaux qui sacrifient l’homme de chair à l’homme de rêve, prétendant mettre cet homme à la place de Dieu ».

L’ouvrage de Jean Baylot reçut le prix de l’Académie Albéric Rocheron en 1969. Plus d’un demi-siècle plus tard, il contribue, entre autres, à penser la tension entre obédience et rite mais d’autres questions se posent.

Ainsi, Jean Baylot présuppose que la Franc-maçonnerie fut un jour un Ordre initiatique, ce qui n’est pas une évidence même si des greffes initiatiques furent tentées sur le projet initial, porteur déjà d’une dimension sociale, souvent sans succès. D’autre part, nous pouvons nous interroger sur la nature de la substitution. S’il existe une substitution grossière née de l’intrusion objective et franche du politique dans le monde maçonnique, il en existe d’autres plus pernicieuses, plus dangereuses peut-être, qui cachent derrière des discours apparemment initiatiques, une totale incompréhension ou une incapacité à mettre en œuvre le processus même de l’initiation.

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