Une passion alchimique

Une passion alchimique par Jean-Claude Velly. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

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Le roman de Jean-Jacques Velly est passionnant et plein d’enseignements. L’auteur, maître de conférence à la Sorbonne, enseigne la musicologie des XIXème et XXème siècles. Il a longuement étudié l’œuvre de Manfred Kelkel (1929-1999) lui aussi musicologue et compositeur. Kelkel est un spécialiste de Scriabine, il s’est beaucoup intéressé à la dimension ésotérique de ses compositions. Scriabine composait en prenant en compte le lien entre les notes et les chakras, sa musique devait éveiller. Manfred Kelkel va s’engager dans une voie semblable, sans doute plus approfondie, pour composer notamment Tabula smaradigma dont la partition rassemble douze mandalas alchimiques sonores. D’autres créations musicales ésotériques suivront.

Le roman-essai mêle adroitement intrigue et éléments biographiques ou historiques. Il est construit autour de la rencontre entre Dino Cercamone, compositeur et occultiste et Séléna, femme mystérieuse, sorte de sophiale qui l’entraîne sur le chemin du grand-œuvre et avec qui il réalise une union à la fois charnelle et métaphysique. Séléna l’entraînera dans les couloirs du temps pour voyager dans les siècles.

Le roman suit les phases du grand œuvre dans un voyage initiatique complexe qui conduit Dino Cercamone à s’interroger sur sa propre vie comme matière de l’œuvre. Le lecteur, qui l’accompagne, croise dans ces pages nombre de grands hermétistes, Dee, Fludd, Gualdi, Lulle et autres, passe par des lieux sacrés et des demeures philosophales, se ressource en diverses traditions, traverse des épreuves douloureuses et inattendues.

Le roman est suivi d’un dossier étoffé qui propose une biographie, une bibliographie et une liste d’œuvres musicales de Manfred Kelkel, un appareil de notes conséquent, un texte de Kelkel intitulé Rapport sur une expérience de télépathie, présentant une expérience originale d eperception extra-sensorielle, et les magnifiques douze planches-partitions en couleur de la Tabula smaradigma commentées par l’auteur. Ces partitions sont exceptionnelles tant du point de vue esthétique que musical et ésotérique :

« Passionné par les rituels ésotériques, Manfred Kelkel a développé dans Tabula smaradigma une métaphore des processus alchimiques en élaborant une œuvre composée d’une série de douze pièces séparées présentées sous forme de mandalas sonores directement inspirées des principes de la Table d’Emeraude. »

Manfred Kelkel abandonne « l’écriture traditionnelle pour la composition de mandalas sonores exprimant la totalité de sa pensée musicale, à savoir l’expression par la musique d’une quête intérieure ».

« Mais, tout en suivant au plus près le cérémonial alchimique, Manfred Kelkel agit cependant en compositeur de son temps, et l’une des originalités de son esthétique musicale est d’avoir associé dans sa musique des principes issus de la tradition ésotérique à une conception thématique provenant des méthodes spécifiques de composition utilisées par Alexandre Scriabine dans ses dernières œuvres, notamment dans son projet de Mystère. »

Manfred Kelkel unit l’image et le son, la peinture et la musique par un jeu de miroirs ascendant, mais il parle aussi de « ballet hermétique », le corps n’est pas absent, il s’agit bien de ré-unir corps-âme et esprit par une musique des sphères.

Avec cet ouvrage de belle facture, érudit et captivant, Jean-Jacques Velly nous introduit de la plus belle des manières à un aspect peu connu des traditions qui resurgit régulièrement dans l’histoire de la musique et de l’ésotérisme.