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L’Europe sous l’acacia. Le début du XXIème siècle, chant du cygne, dilution, nouvelles frontières ou fécondes métamorphoses ? par Yves Hivert-Messeca. Editions Dervy, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.

http://www.dervy-medicis.fr/

 

Après les trois premiers volumes excellents qui ont donné aux lecteurs, depuis la parution du premier volume en 2012, un panoramique de l’histoire et des histoires complexes de la Franc-maçonnerie en Europe, Yves Hivert-Messeca s’intéresse à son actualité et à son devenir à partir de l’observation des tendances de ce début de siècle.

 

Tout d’abord, de quelle Europe parlons-nous ?

« Stricto sensus, précise Yves Hivert-Messeca, jusqu’au Bosphore, à l’Oural et au Caucase, mais sans la Russie et la Turquie d’Asie, le « continent » compte aujourd’hui 736 millions d’habitants. In fine, nous avons retenu comme constituant l’espace européen des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, fondé par dix pays le 5 mai 1949 ( Belgique, Danemark, Eire, France, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) auxquels s’ajouteront 37 autres Etats, du 9 août 1949 (Grèce, Turquie) au 11 mai 2007 (Monténégro), soit 820 millions d’habitants. »

 

Yves Hivert-Messeca fournit des chiffres, pays par pays du nombre de Francs-maçons, tout en précisant le caractère peu fiable de ces chiffres, en raison des fluctuations et de la tendance, très politique, à amplifier le nombre d’effectifs. Il n’existe pas non plus de chiffres sur la participation des Frères et Sœurs aux travaux.

 

Son ouvrage fait un point sur la situation présente. Il opère une recension des obédiences principales et de leurs rites, pays par pays. Ce faisant, Yves Hivert-Messeca a dû ignorer les petites obédiences, cette Franc-maçonnerie de marge dont Pierre Mollier a pu dire que parfois, elles constituaient le centre de la Franc-maçonnerie.

« Dans le paysage européen, dit l’auteur, il existe des centaines de micro-obédiences sur lesquelles les données ne sont pas très fiables (doux euphémisme !). De très beaux sites cachent parfois une absence notoire de réalité associative, voire pire. Aussi, nous avons volontairement oublié de citer tous les représentants non clairement identifiés de cette nébuleuse. Parfois certaines micro-obédiences sont simplement signalées. »

 

Nous avons ainsi 9 lignes sur la GLTSO et une simple note sur la LNF malgré l’importance du travail de ces deux obédiences. Sur les rites égyptiens, nous trouvons très peu de choses et le lecteur aura intérêt à se tourner vers les travaux de Serge Caillet, d’ailleurs absent de la bibliographie. Mais le sujet n’est pas là, il s’agit de rendre compte de la place de la Franc-maçonnerie dans les mouvements sociétaux de l’Europe et de dessiner une géopolitique du paysage maçonnique européen d’aujourd’hui. Le tableau dressé pour chaque pays est synthétique, précis et va à l’essentiel, identifier le fait maçonnique et son impact éventuel. Le lecteur français sera peut-être déçu de la notice consacrée à la France mais les ouvrages précédents apportent les éléments complémentaires. La notice consacrée au Portugal est par exemple très complète pour observer les mouvements opérés depuis la Révolution des Œillets.

 

A travers ce tour d’horizon, Yves Hivert-Messeca pose la question de l’avenir de l’institution maçonnique, manifestement dans une phase d’incertitudes. Le tassement des effectifs, le vieillissement des membres, le risque de morcellement, laissent penser à un déclin mais nous avons aussi les signes possibles d’un renouveau de vitalité dans certains Etats. Quoi qu’il en soit, la Franc-maçonnerie ne peut éviter une analyse et une étude prospective sur sa finalité, ses méthodes et sa place dans le monde qui vient. Cet ouvrage, et les trois autres volumes de ce travail complexe et colossal sont une contribution majeure à cette réflexion nécessaire.

 

Dans une longue postface, Franck Frégosi remarque avec lucidité :

« Si la Franc-maçonnerie rassemble une minorité d’individus plutôt issus des classes moyennes supérieures, elle n’est pas pour autant un phénomène totalement déconnecté des sociétés dans lesquelles elle perdure. Bien que la franc-maçonnerie se réclame d’une tradition opérative réinventée qui prétend remonter aux bâtisseurs des cathédrales, elle est aussi la caisse de résonance de son temps. Rien de ce qui traverse la société ne lui est étranger, pour le meilleur comme pour le pire. Les doutes, les inquiétudes, les mille fractures ou tout simplement les questions qui font débat dans les sociétés contemporaines, ont également traversé les murs des temples maçonniques. La Franc-maçonnerie, toutes les francs-maçonneries, ne sont plus en mesure de maintenir (si tant est qu’elles y soient parvenues dans le passé) une séparation étanche entre elles et le reste de la société. La Franc-maçonnerie apparaît comme une institution qui, au mieux, s’efforce de filtrer, de se tenir à distance des tumultes de la société environnante, mais ne peut totalement les ignorer au risque de disparaître. »

 

Parmi ces questions de première importance, à la fois maçonniques et sociétales, il y a celle de la place de la femme. Si la féminisation de l’ordre maçonnique est en progrès, c’est bien avec les mêmes difficultés et résistances qu’au sein des sociétés européennes. La Franc-maçonnerie peut-elle être aujourd’hui vecteur de changement ou reste-t-elle un simple miroir des mouvements sociétaux voire deviendra-t-elle conservatrice ?

Les données fournies dans cet ouvrage ne permettent pas de conclure mais elles nourrissent une invitation au choix.

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