La Physique de la conscience de Philippe Guillemant et Jocelin Morisson, Guy Trédaniel Editeur.
Ce livre passionnant peut nous paraître très original par sa volonté d’associer la recherche scientifique et la conscience, il rend compte pourtant d’un nouveau regard scientifique qui se fait l’écho des anciennes métaphysiques non-duelles qui abolissent la distinction entre observateur et objet observé. L’auteur, dans un dialogue créateur entre sciences physiques et métaphysiques de l’éveil s’affranchit des modèles académiques peureux pour développer une théorie de la double causalité. Au cœur de ce modèle, nous trouvons bien sûr la question du temps. En effet, notre rapport au temps détermine l’intensité de la conscience.
La première partie de l’ouvrage cherche à mettre en évidence la « grande illusion de la science, à savoir son erreur fatale de ne pas percevoir que tous les phénomènes macroscopiques dépendent intimement de tout ce qui se passe dans l’infiniment petit, de ne pas comprendre que tout l’espace-temps, et tout ce qui nous arrive quotidiennement, est obligatoirement sous contrôle quantique ! Et finalement : sous le contrôle de la conscience. »
Philippe Guillemant pose donc la question de la réalité de la réalité, de l’illusion de l’espace, de l’illusion du temps, des réalités parallèles, d’un chaos déterministe et d’une mécanique quantique qui pourrait être intuitive. Il remarque que le déterminisme scientifique s’est construit en opposition à la religion et que, finalement, il véhicule lui aussi un ensemble de croyances.
La seconde partie propose un modèle cybernétique de la conscience permettant de sortir de l’impasse déterministe, un nouveau paradigme pour les calculs de la physique académique inscrits dans un temps mécaniste.
« Ce n’est pas le cas de notre approche, précise les auteurs, qui considère que de tels calculs doivent absolument se faire hors du temps, car le présent de la mécanique est une illusion ! Mais que signifient des calculs hors du temps ? On ne peut pas supprimer la notion de temps lorsque l’on calcule une évolution, il est donc indispensable d’introduire un nouveau temps : le temps d’une évolution hors du présent qui ne dépendrait plus de la mécanique mais de la conscience, à travers une approche cybernétique rendue possible par l’apport d’informations correspondant aux « choix de la nature » que la mécanique laisse indéterminés. Ces « calculs » ayant en effet pour objet de choisir les changements de ligne temporelle (pour ne pas dire d’univers), ils seraient indissociables du moteur de ces choix : la conscience, et le moment serait donc venu d’introduire en physique un modèle cybernétique de la conscience susceptible de décrire l’évolution atemporelle de l’espace-temps, sous l’égide d’un nouveau déterminisme capable de restaurer au moins partiellement notre libre-arbitre. »
Ce nouveau modèle, sophistiqué, s’organise autour de plusieurs thèmes : la conscience quanto-gravitationnelle, l’intention comme excitation du vide, la rétrocausalité, les trois étages de la conscience, les dimensions de la conscience, la modélisation de l’âme, la mise à jour de l’espace-temps, de la nature de l’identité humaine enfin.
Prenons le sujet de la rétrocausalité :
« Dans toute déviation de ligne temporelle, le futur agit comme un attracteur qui résiste à toute divergence prolongée de cette ligne et, dans cette opération, nous avons inévitablement un phénomène de rétrocausalité à l’œuvre. La forme de la ligne temporelle déviée de son parcours depuis le présent dépend en effet à la fois de son passé et de son futur, lesquels agissent ainsi tous deux comme des stabilisateurs. On voit ainsi que la rétrocausalité, tout comme la causalité, est un facteur stabilisant et même indispensable à la dynamique de l’espace-temps, en ce qu’elle lui permet d’évoluer progressivement et de façon cohérente, en évitant que d’infimes changements puissent avoir d’énormes conséquences qui deviendraient ingérables mécaniquement. (…)
L’aspect le plus perturbant de la double causalité (…) est sans aucun doute la porte qu’elle ouvre aux changements du passé. C’est la principale raison pour laquelle j’ai commencé cet ouvrage en présentant le renversement de perspective qui consiste à ramener à la conscience plutôt qu’à la réalité les questions du temps, de l’espace et de la matière : il est alors beaucoup plus facile d’admettre les altérations du passé comme pouvant résulter d’une perte d’informations.
Pour être mieux comprises, de telles altérations du passé devraient toujours être considérées comme résultant de changements dans le futur – et inversement –, ce qui permettrait de conserver le déterminisme des lignes temporelles. »
C’est à un « nouveau » sens de la vie que nous invite la troisième partie de l’ouvrage. Le modèle proposé bouleverse les représentations courantes et introduit à une nouvelle expérience de la vie. En effet, Philippe Guillemant introduit un modèle de l’âme, « interface entre notre réalité physique et l’extérieur de l’espace-temps global » en six centres qui « correspondent aux six degrés de liberté additionnels qui sont nécessaires pour décrire les vibrations du vide quantique ». A une lecture cybernétique de ce modèle, il associe une lecture psychologique. Cette modélisation rappellera immanquablement au lecteur certains modèles traditionnels bien connus, cependant il faut dépasser cette comparaison pour appréhender toute la spécificité et l’intelligence de la proposition de l’auteur. A travers la question de la synchronicité, du déconditionnement, de la puissance de l’intention, nous retrouvons des constantes des voies d’éveil mais énoncées dans un pensée quantique.
La dernière partie de l’ouvrage, intitulée L’homme et le robot, se révèle plus sociétale. Il s’agit de devenir un « homme relié », affranchi des conditionnements de « l’homme-robot ». Une mutation est-elle possible ? Est-elle individuelle ? Peut-elle être collective malgré « la résistance du futur » ? La maladie des systèmes de pouvoir est-elle impossible à guérir ? Peut-on transformer la politique et ne pas subir la pensée unique ?
Face à une science irresponsable depuis son origine, Philippe Guillemant invite lui aussi à une spiritualité laïque grâce à son modèle de physique de la conscience, un modèle réellement inclusif de toutes les dimensions de la vie. Ce livre, profond dans son propos, ouvre à de nouveaux possibles.
Editions Trédaniel, 19 rue Saint-Séverin, 75005 Paris, France.